Propriété intellectuelle du salarié : décisions récentes

Une série d’arrêts rendus par la Cour de Cassation courant 2015 et 2016 est venue apporter des précisions très intéressantes sur les droits de propriété intellectuelle du salarié et de l’employeur sur les créations et inventions réalisées au sein de l’entreprise dans le cadre d’un contrat de travail.

Rappelons en effet à ce sujet que le contrat de travail n’emporte pas nécessairement abandon ou cession des droits de propriété intellectuelle du salarié sur ses créations et ses inventions.

Les premières sont protégées au titre du droit d’auteur patrimonial et moral prévu à l’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle.

L’employeur ne devient titulaire des droits sur les créations du salarié constitutives de droit d’auteur que dans les hypothèses suivantes :

  • Création d’un logiciel dans le cadre de l’activité professionnelle,
  • Création collective réalisée sous la direction de l’employeur et ne pouvant être attribuée à un seul salarié,
  • Cession des droits d’auteur du salarié à son employeur au fur et à mesure des créations par le biais d’une rémunération distincte du salaire.

Les inventions du salarié obéissent en revanche au principe inverse. En application de l’article L.611-7 du Code de la propriété intellectuelle, l’invention d’un salarié « dans l’exécution soit d’un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d’études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartient à l’employeur »

En contrepartie, le salarié a droit à une rémunération supplémentaire au titre de cette invention dite « de mission ».

Ces deux cas de figure font l’objet d’un contentieux abondant entre employeurs et salariés.

Absence de déclaration d’invention du salarié et licenciement pour faute grave

Si l’invention du salarié appartient en principe à l’employeur ainsi qu’il a été rappelé ci-avant, c’est cependant sous la réserve que cette invention ait été réalisée dans le cadre de la mission dévolue au salarié :

  • Soit directement et elle appartient à l’employeur qui versera une rémunération complémentaire au salarié ;
  • Soit indirectement parce que l’employeur en a demandé l’attribution moyennant le versement d’une compensation financière.

En revanche, les inventions réalisées en dehors des missions du salarié restent à lui au titre de ses droits de propriété intellectuelle.

Pour opérer cette distinction, le salarié est par conséquent tenu d’informer l’employeur de son invention en lui adressant une déclaration d’invention prévue à l’article L.611-7 du Code de la propriété intellectuelle.

L’arrêt du 15 janvier 2015 s’est prononcé sur le point de savoir si un défaut de déclaration du salarié constituait ou non une faute grave justifiant un licenciement comme l’avançait l’avocat de l’employeur.

La Cour de Cassation a répondu par la négative dans la mesure où selon ses termes « le seul manquement imputable au salarié tenant à l’absence de déclaration de son invention à l’employeur bien qu’y étant tenu en application du Code de la propriété intellectuelle, n’empêchait pas la poursuite du contrat de travail et ne constituait pas une faute grave ».

Un bémol cependant : dans cette affaire, l’invention n’avait pas été déclarée à l’employeur MAIS avait été réalisée hors mission du salarié. Il n’est pas certain par conséquent que la position de la Cour de Cassation eut été la même dans l’hypothèse d’une invention réalisée dans le cadre de la mission du salarié.

Droits d’auteur et indépendance de création du salarié

Le salarié qui n’a ni l’initiative ni la maitrise de ses créations qui restent soumises à l’approbation de son supérieur hiérarchique et de son employeur ne dispose pas de la liberté créatrice et originale nécessaire à la revendication d’un droit d’auteur.

La Cour de Cassation a tranché dans ce sens dans un arrêt du 22 septembre 2015 par lequel elle a estimé que l’ancienne salariée styliste qui revendiquait des droits d’auteur à l’encontre de son ancien employeur « ne définissait pas les choix esthétiques de l’entreprise ni ne jouissait d’une liberté de création sur les œuvres revendiquées et réalisées avec son concours« 

La décision est d’autant plus remarquable que la salariée était cadre, directrice artistique et non une simple exécutante. Mais ainsi que le soutenait l’avocat de l’employeur, celui-ci s’étant réservé l’initiative, l’étude et l’approbation des choix esthétiques des nouveaux produits qui étaient créés collectivement, la salariée ne disposait d’aucun droit sur les œuvres créées.

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