Régularité de la caution d’une société civile

Les sociétés civiles ont souvent un objet social très limité qui rend très difficile la validation du cautionnement de la dette d’autrui. La jurisprudence valide, cependant, sous certaines conditions la caution d’une société civile (principalement les SCI) qui ne s’inscrit pas dans les limites de l’objet social.

Par un arrêt du 8 novembre 2007, la première chambre civile de la Cour de Cassation avait en effet validé les cautionnements qui ne rentraient pas dans l’objet social de la société civile sous réserve de remplir certaines conditions alternatives :

  • autorisation unanime de tous les associés ;
  • existence d’une communauté d’intérêts entre la société garante et la société cautionnée ;
  • conformité de la caution d’une société civile à l’intérêt social ;

Cette analyse doit cependant être prise avec précaution car il existe une divergence entre la Chambre Commerciale et les Première et Troisième Chambre Civile de la Cour de cassation quant aux conditions à retenir pour que le cautionnement donné à autrui par une société civile soit validé en dépit de son absence de conformité à l’objet social.Au regard de la jurisprudence récente, cette divergence n’est toujours pas levée à ce jour.

La Chambre Commerciale a en effet refusé de faire application de ces conditions alternatives dans un premier arrêt en date du 8 novembre 2011 en considérant qu’en dépit de la présence du consentement unanime des associés, la conformité de la caution d’une société civile à l’intérêt social était la condition indispensable prépondérante de la validité de l’acte de cautionnement « Mais attendu que la sûreté donnée par une société doit, pour être valable, non seulement résulter du consentement unanime des associés, mais également être conforme à son intérêt social »

Le consentement unanime des associés n’est donc pas nécessairement l’expression de l’intérêt social et il faut donc en déduire que l’intérêt social constitue une condition distincte, prioritaire.

La Troisième Chambre Civile a suivi un raisonnement identique et a adopté une analyse similaire à celle de la Chambre Commerciale comme en atteste un arrêt en date du 12 septembre 2012 dans lequel elle a précisé que « Pour infirmer l’ordonnance du juge-commissaire et fixer la créance de la banque  au titre du cautionnement solidaire et hypothécaire consenti par la SCI pour le remboursement d’un prêt personnel consenti à des tiers, l’arrêt attaqué retient que cet acte est valable puisqu’il résulte du consentement unanime des associés, les remarques de l’intimé relatives à l’intérêt social étant à cet égard indifférentes. En statuant ainsi, alors que le cautionnement même accordé par le consentement unanime des associés n’est pas valide s’il est contraire à l’intérêt social, la cour d’appel a violé  l’article 1849 du Code  civil. »

Enfonçant le clou, la Chambre Commerciale a récemment confirmé sa jurisprudence divergente de celle de la première Chambre Civile par un arrêt en date du 23 septembre 2014 (il était alors question de la constitution d’un cautionnement hypothécaire par une société civile immobilière en garantie de la dette d’un tiers) en considérant à nouveau que même accordé avec le contentement unanime de ses associés et prévu dans son objet statuaire, la caution d’une société civile n’est pas valide si elle est contraire à l’intérêt social.

Reste donc à attendre un nouvel arrêt de la première Chambre Civile qui soit confirmera sa jurisprudence divergente issue de son arrêt de 2007 soit unifiera sa position avec celle de la Chambre Commerciale et de la Troisième Chambre Civile en abandonnant le critère alternatif au profit du critère primordial de l’intérêt social.

Nadia TIGZIM
Avocat en droit des affaires