3 critères de confusion de patrimoines en liquidation judiciaire

L’alinéa 2 de l’article L. 621-2 du Code de commerce permet d’étendre une procédure collective à toute personne physique ou morale, en cas de confusion de patrimoines avec celui d’un débiteur faisant l’objet d’une liquidation judiciaire.

C’est bien l’intérêt et le risque de cette notion. Particulièrement visé par les créanciers, les liquidateurs et la Loi : le couplage fréquent entre une SCI propriétaire d’actifs et la SARL d’exploitation de l’actif.

La procédure d’extension de la liquidation judiciaire permettra de faire rentrer dans la procédure collective et in fine dans l’actif permettant de désintéresser les créanciers de la liquidation judiciaire les éléments d’actifs ( biens immeubles notamment) « mis à l’abri » dans une entité juridique de type personne physique ou morale alors que le passif ( dettes d’exploitation ) aura été pris en charge par la société en liquidation.

Cette notion, initialement purement prétorienne, a ensuite été consacrée par la Loi de Sauvegarde des Entreprises du 25 juillet 2005 en son article L 621-2 du Code de Commerce permettant l’extension d’une procédure collective à «  une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur »

Il semblerait que la jurisprudence ai adopté un certain nombre de critères pour caractériser cette confusion de patrimoines. On peut en dénombrer trois d’inégales importances :

  • confusion des comptes, impliquant une imbrication des éléments d’actif et de passif composant les différents patrimoines concernés,
  • relations financières anormales ou flux financiers anormaux,
  • volonté systématique des parties.

Confusion de patrimoines en cas d’imbrication des éléments d’actif et de passif

C’est notamment le cas lorsqu’il existe une communauté d’intérêts telle que peut être mise en évidence l’existence d’une entreprise unique : absence de comptabilité propre, absence d’un centre autonome de décision, totale dépendance d’une entreprise à l’autre, dirigeants identiques.

Ce critère semble déterminant bien qu’il ne soit pas si évident à démontrer comme le révèle un arrêt rendu sur cette question le 19 février 2013.

Comme souvent en la matière, une SARL exploitait un fonds de commerce dans des locaux loués à une SCI, les deux sociétés étant dirigées par le même gérant. Or la SARL avait été mise en liquidation judiciaire. Le liquidateur a alors assigné les deux sociétés en invoquant la confusion de leurs patrimoines par imbrication des éléments d’actif et de passif. En effet, la SCI n’avait pas réclamé à la SARL le paiement des loyers, ce qui avait permis à cette dernière, qui était seule en liquidation, de procéder à d’importants travaux nécessaires à son exploitation.

La Cour d’appel de Nîmes, avait, dans un arrêt du 19 mai 2011, accédé à la demande du liquidateur et avait ordonné l’extension à la SCI de la procédure collective. Elle avait affirmé que la SCI avait « permis à la SARL de bénéficier indûment et sans contrepartie de son seul actif et d’investir ainsi dans des travaux ». Cela a eu pour effet de retarder « l’état de cessation des paiements de la SARL ».

La chambre commerciale de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en affirmant que « la seule constatation du défaut de paiement des loyers permettant la prise en charge par la locataire de travaux d’aménagement du local loué nécessaires à son exploitation, si elle révélait la poursuite d’un intérêt commun, n’était pas de nature à établir l’imbrication des éléments d’actif et de passif composant les patrimoines des deux personnes morales ».

La confusion de patrimoines n’étant pas, selon la Cour de Cassation, établie entre les deux sociétés, il était alors impossible d’étendre la liquidation judiciaire de la SARL à la SCI.

En effet, le seul fait qu’il existe un intérêt commun entre les deux entités, matérialisé par le fait que les dirigeants étaient identiques, que des loyers n’étaient pas payés sans réclamation de la SCI bailleresse à la SARL exploitante et des travaux d’importance étaient réalisés par la SARL exploitante sur le bien appartenant à la SCI ne caractérisait pas une imbrication des éléments d’actif et de passif des patrimoines des deux sociétés. En effet, la contrepartie du non-paiement des loyers avait été la réalisation d’importants travaux réalisés à son bénéfice par la SARL et payés par elle mais dont la SCI in fine, par la valorisation de son patrimoine en résultant, en était également bénéficiaire. L’intérêt commun existait mais ne dénote pas forcément l’imbrication des patrimoines.

La solution me semble t’il était cohérente. Il me semble également qu’elle aurait été tout autre si la SCI avait en plus de l’abandon des loyers, payé les travaux ou à l’inverse si en plus de la réalisation des travaux la SARL avait également acquitté sans contrepartie les loyers dus.

Une imbrication des patrimoines, révélée par une direction et des intérêts communs, si elle est déterminante, ne suffit pas à elle-seule. Par ce premier critère , la Chambre Commerciale ne semble retenir l’imbrication et la confusion des patrimoines  que dans l’hypothèse d’un « mélange » sans contrepartie des comptabilités et des paiements des différentes entités s’assimilant à de véritables « cadeaux » et libéralités au détriment exclusif de l’une et au bénéfice exclusif de l’autre. En un mot, c est l’anormalité de cette imbrication qui est déterminante pas l’imbrication en elle-même.

Ces indices dénotent en effet l’existence de relations financières totalement déséquilibrées et anormales constitutives du second critère défini par la jurisprudence.

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