Vente du fonds de commerce : évaluation et formalités

La vente du fonds de commerce est une opération globale qui nécessite l’intervention de différents professionnels ( avocat, expert-comptable…..) afin d’éviter tout litige ultérieur. En effet, cette opération, compte tenu de sa relative complexité, génère un contentieux important, dans la mesure où des précautions, déclarations ou vérifications minimales auront été omises lors de l’opération d’acquisition.

L’acquéreur et le vendeur du fonds de commerce doivent en effet s’atteler à résoudre deux questions lorsqu’ils procèdent à une opération de vente du fonds de commerce :

  • procéder à l’évaluation correcte de la valeur du fonds de commerce vendu qui dépend essentiellement de la rentabilité de l’entreprise : cette étape ne doit pas être négligée car en cas d’évaluation erronée, le vendeur peut voir sa responsabilité engagée, tant à l’égard de l’acquéreur, qu’à l’égard de l’administration fiscale.
  • mener à terme l’opération dans le cadre des conditions de réalisation et de validité posées par deux lois des 17 mars 1909 et 29 juin 1935, codifiées et réactualisées aux articles L141-1 du Code de commerce, lesquelles ont été légérement modifiées par la Loi MACRON du 6 aout 2015.

Evaluation du fonds de commerce

L’évaluation du fonds de commerce varie en fonction des éléments incorporels qui composent le fonds de commerce tels que son potentiel financier, la clientèle, la notoriété de l’entreprise, le bail commercial cédé, l ‘enseigne, l’emplacement ou encore l’achalandage du magasin.

Cette évaluation peut être réalisée selon plusieurs méthodes dont on peut dresser une liste non exhaustive.

Evaluation du fonds de commerce basée sur le chiffre d’affaires :

Elle consiste à appliquer un coefficient fiscal au chiffre d’affaires moyen de l’entreprise durant les trois dernières années d’exploitation.

Des barèmes fiscaux existent pour chaque secteur d’activité et indiquent le coefficient applicable, généralement compris entre 40 et 100.

Il est conseillé de se renseigner sur les pratiques et usages locaux auprès des chambres de commerce et de métiers ou des chambres notariales.

Cette méthode est la plus utilisée en justice mais elle implique de pondérer le montant en fonction des particularités du fonds et notamment lorsque le fonds est soumis à des contraintes qui en minore la valeur.

A ce titre une attention particulière doit être portée à l’examen du bail commercial dans le cadre duquel le fonds est exploité : celui-ci est-il ou non renouvelé ou en cours de renouvellement? Le loyer correspond-il ou pas à la valeur locative réelle? Existe-il un risque de déplafonnement du loyer? Les charges annexes au loyer sont-elles usuelles ou pas?

L’attention de l’acquéreur doit également être portée à la liste des salariés du fonds du fonds de commerce vendu qui doivent être repris compte tenu des dispositions du code du travail : salaires, ancienneté, retraites, avantages, contentieux prud’hommal etc…qui peuvent venir alourdir le prix de vente dans des conditions non prévues.

Evaluation du fonds de commerce par comparaison avec le prix sur le marché d’autres fonds de commerce.

Cela suppose évidemment que les conditions matérielles et économiques d’exploitation soient comparables, que les éléments incorporels soient semblables.

On s’appuiera sur divers critères : secteur d’activité, volume d’affaires, emplacement commercial.

Evaluation du fonds de commerce par rapport aux bénéfices annuels moyens réalisés sur les trois dernières années.

Il s’agit d’appliquer aux bénéfices un coefficient multiplicateur entre 1 à 8, en moyenne compris entre 3 et 5. Dans ce cas, le coefficient n’est pas tiré d’un barème mais d’un diagnostic au regard du marché.

Méthode relative au bail commercial

La valeur du fonds de commerce peut être calculée d’après les conditions juridiques et financières du contrat de bail : loyer du local commercial, prix au mètre carré, redevance de gérance libre lorsque le fonds a été mis en location-gérance.

Une cinquième méthode consiste à se baser sur l’évaluation antérieure du fonds que l’on devra actualiser en fonction de l’inflation ou de l’évolution de l’activité.

Enfin, une sixième méthode est parfois utilisée par les juges : tenir compte d’une part de la rentabilité de l’entreprise et d’autre part du chiffre d’affaires.

Formalités de vente du fonds de commerce

La valeur et le prix du fonds de commerce ayant été évalué, l’opération de vente du fonds de commerce doit être réalisée dans le respect des dispositions codifiées aux articles L141-1 et suivants du Code de Commerce.

Vérifications antérieures à la vente du fonds de commerce

  • S’assurer que le vendeur est bien le propriétaire du fonds de commerce vendu et non un simple occupant, locataire-gérant ou sous-locataire par exemple, qui ne peuvent bien évidemment pas céder de fonds.
  • S’assurer de la validité du bail commercial en cours ( notamment procédures judiciaires en cours…….)
  • S’assurer de l’existence et du périmetre d’une clause de non-concurrence
  • S’assurer que l’acquéreur est en mesure de devenir commerçant : la question ne se pose pas pour les sociétés commerciales mais en revanche se pose pour les personnes physiques qui doivent être majeures (article L121-2 du code de commerce), ne faire l’objet d’aucune interdiction de pratiquer le commerce (notamment à la suite à une condamnation pénale) ou ne pas exercer une activité parallèle incompatible avec la qualité de commerçant (ex : fonctionnaires, professions libérales,etc..).
  • S’assurer que la cession de fonds de commerce ne fasse pas l’objet de l’exercice d’un droit de préemption prévu par le Code de l’Urbanisme aux articles L214-1 à L214-3. A noter que le droit de préemption est inapplicable à PARIS par décision de la Ville de Paris. La déclaration d’intention d’aliéner est par conséquent inutile.

Acte de vente du fonds de commerce

Cet acte peut être rédigé soit par acte authentique (notaire) soit par acte d’avocat et doit contenir différentes mentions prévues sous peine de nullité de l’acte par l’article L 141-1 du Code de commerce :

  • historique des cessions antérieures comportant le cas échéant nom des précédents vendeurs ainsi que le prix de cession pour les éléments incorporels, les marchandises et le matériel ;
  •  l’état des privilèges et nantissements grevant le fonds ;
  • le chiffre d’affaires et les bénéfices commerciaux réalisés au cours des trois dernières années d’exploitation, ou depuis l’acquisition si le fonds n’a pas été exploité depuis plus de trois ans ;
  • les caractéristiques du bail commercial cédé dans la vente du fonds.

L’omission de l’une de ces mentions obligatoires peut entraîner la nullité relative de l’opération qui ne peut par conséquent être invoquée que par l’acquéreur sous un délai d’un an à compter de la vente.

Publicité de l’acte de vente de fonds de commerce

La cession de fonds de commerce fait l’objet de formalités d’enregistrement et de publicité destinés à informer les tiers qui ont été allégées par la Loi MACRON :

  • Enregistrement de l’acte de vente de fonds de commerce auprès du centre des impôts du lieu de situation du fonds de commerce dans le délai d’un mois à compter de sa signature assorti du paiement des droits d’enregistrement à hauteur de 3 à 5 % du prix de la vente pour la fraction du prix excédant 23.000 euros.
  • Publicité dans un délai de 15 jours à compter de signature par avis inséré au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).

Cette publicité permet d’informer les tiers, et notamment les créanciers du vendeur qui pourront éventuellement, s’ils en remplissent les conditions, faire opposition sur le prix de vente (article L141-19 du Code de commerce).

Cette publicité conditionne également le point de départ du délai de solidarité fiscale entre le vendeur et l’acquéreur.

Nadia TIGZIM
Avocat en droit des baux commerciaux