Depuis la loi Rebsamen du 17 août 2015 intitulée Loi sur le dialogue social, l’employeur n’est plus tenu par une obligation de reclassement du salarié reconnu inapte professionnellement. En effet, l’employeur peut en être dispensé lorsque le médecin du travail précise que « le maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable pour sa santé ».
Cette nouvelle disposition assouplie considérablement les obligations pesant sur l’employeur en cas d’inaptitude du salarié.
Le reclassement du salarié avant la loi REBSAMEN
Auparavant, en cas de reconnaissance de l’inaptitude d’un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, l’employeur était tenu de suivre la stricte procédure de l’article L1226-2 et suivant du Code du Travail et avait notamment l’obligation de rechercher et de proposer au salarié un poste adapté à ses capacités. L’employeur devait émettre ses propositions de reclassement après l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail et consultation des délégués du personnel.
Ce n’est qu’en cas d’impossibilité de trouver un poste adapté aux capacités du salarié ou parce que le salarié avait refusé le ou les postes proposés dans le cadre de son obligation de reclassement que l’employeur avait la possibilité de licencier le salarié en raison de son inaptitude professionnelle.
Selon l’article L1226-4 du même Code l’employeur disposait d’un mois pour procéder au reclassement du salarié étant précisé que faute de reclassement ou de licenciement à l’expiration de ce délai, l’employeur était tenu de lui verser le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
La Cour de cassation avait en outre précisé que l’employeur ne pouvait être considéré comme ayant rempli son obligation de reclassement légale envers son salarié inapte qu’en veillant à ce que les postes proposés au salarié inapte restent vacants durant le délai de réflexion accordé au salarié pour accepter ou refuser la (ou les) offre(s) de reclassement.
En effet, dans un arrêt du 30 novembre 2010, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait considéré que l’employeur qui « avait proposé trois postes de reclassement en impartissant à la salariée un délai de réponse, avait, avant même l’expiration de ce délai, indiqué que l’un de ces postes, pour lequel la salariée avait demandé des précisions, avait été pourvu » n’avait pas loyalement exécuté la mesure de reclassement à laquelle il était soumis.
L’obligation de reclassement du salarié depuis la loi REBSAMEN
Les obligations pesant sur l’employeur ont considérablement été assouplies par la Loi sur le dialogue social dite Loi REBSAMEN.
Désormais, selon l’article L1226-12 du Code du travail modifié par la loi Rebsamen, l’employeur peut rompre le contrat de travail de son salarié déclaré inapte professionnellement, si l’avis du médecin du travail mentionne expressément que « le maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé » et cela sans avoir à rechercher à reclasser le salarié.
S’il décide de prononcer le licenciement, l’employeur devra simplement respecter la procédure applicable au licenciement pour motif personnel.
Reste alors une question à laquelle la loi Rebsamen ne répond pas : l’employeur sera-t-il dispensé, avant d’engager la procédure de licenciement, de consulter les délégués du personnel ainsi que de notifier au salarié les motifs s’opposant à son reclassement dans l’entreprise ?
Rappelons bien que cette dispense de reclassement n’est ouverte qu’en cas d’inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle. Ainsi si le salarié est inapte à travailler pour des raisons médicales graves sans que l’origine de sa maladie soit d’ordre professionnel, l’employeur retrouve l’obligation de la recherche d’un reclassement dans l’entreprise et toute la procédure qui entoure le licenciement en raison de son inaptitude.
La raison du licenciement en cas d’inaptitude professionnelle repose donc désormais sur la dangerosité du maintien du salarié dans l’entreprise qui est appréciée par le médecin du travail. Il revient alors à ce dernier de mentionner son caractère gravement préjudiciable pour la santé du salarié afin que la dispense de recherche de reclassement s’applique. Précisons qu’un simple avis mentionnant uniquement « inapte à tout emploi » ne permet pas à l’employeur d’être dispensé de reclassement.
Cette nouvelle disposition devrait donc tout logiquement donner naissance à une jurisprudence abondante et de nombreux cas d’espèce sur le terme « expressément » de l’article L 1226-12 et le degré de précision de l’avis rédigé par le médecin du travail dispensant l’employeur de toute obligation de reclassement.
Comme l’ont relevé de nombreux commentateurs, on peut également relever que cette nouvelle disposition risque d’amoindrir les droits des salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle par rapport à ceux victimes d’une inaptitude d’origine non professionnelle.
Nadia TIGZIM
Avocat en droit du travail