Maladie du salarié et licenciement

L’article L1132-1 du Code du travail se préoccupe de la situation de maladie du salarié en interdisant à l’employeur de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail. En revanche, l’employeur est fondé à invoquer la perturbation causée à son entreprise par les absences répétées du salarié afin de justifier la mesure de licenciement prise à son encontre.

En effet selon la Chambre Sociale de la Cour de Cassation notamment dans un arrêt du 19 octobre 2005 « si l’article L1132-1 du Code du Travail, qui fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, ne s’oppose pas à son licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées de l’intéressé » 

Cette distinction est d’un maniement délicat comme le montre les deux arrêts de jurisprudence rapportés dans cet article.

Maladie du salarié et perturbation objective de l’entreprise

La perturbation de l’entreprise, nécessaire afin de motiver le licenciement du salarié malade, doit être objective, prouvée,  de sorte que sera fatalement sanctionné par la nullité le licenciement qui, sous couvert de la perturbation de l’entreprise, vise en réalité la maladie du salarié en elle-même.

Par une décision prononcée le 16 Décembre 2010, la Cour de cassation a ainsi approuvé le Conseil de Prud’hommes et la Cour d’Appel de Douai pour avoir prononcé au visa de cet article la nullité du licenciement d’un salarié absent pour maladie dès lors que ces absences pour maladie toutes justifiées par des arrêts de travail et auxquelles l’employeur aurait pu aisément faire face ( il s’agissait d’une très grande entreprise) lui étaient immédiatement reprochées en elles-mêmes et « constituaient en réalité la véritable cause du licenciement ».  Le licenciement prononcé dans ces conditions constituait donc un trouble manifestement illicite auquel le juge pouvait mettre un terme, conformément à la requête du salarié, en ordonnant la poursuite du contrat de travail et en réintégrant le salarié dans les effectifs de l’entreprise.

En effet, lorsqu’il apparaît qu’en réalité, c’est la maladie du salarié qui est le réel motif du licenciement, l’employeur s’expose à ce que le licenciement soit considéré comme nul entraînant la réintégration de droit du salarié s’il la souhaite assortie de conséquences financières très sévères afin d’assurer un ordre public de protection.

C’est ainsi que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 Décembre 2010, l’avocat de l’employeur avait effectivement fait valoir les perturbations crées par les absences du salarié sur la bonne marche de l’entreprise mais le comportement pour le moins  « imprudent » de l’employeur, qui reprochait systématiquement au salarié ses absences, laissait clairement entrevoir que ce n’était pas la perturbation de l’entreprise (élément objectif ) qui était en cause mais véritablement la maladie du salarié (élément subjectif).

Dans ces conditions, la nullité du licenciement était fatalement encourue.

En réalité, dans une grande entreprise, il est quasiment impossible de licencier pour un tel motif.

Nécessité d’une perturbation objective de l’entreprise et non de l’établissement

En effet, le périmètre de cette perturbation est très étendu de sorte qu’en réalité et en pratique, seules les toutes petites entreprises sont en mesure de remplir les critères permettant de licencier un salarié en dépit de l’article L1132 du Code du Travail.

En effet, la Chambre Sociale a également considéré que si la perturbation n’affectait qu’un établissement dans lequel travaillait le salarié malade et non l’entreprise elle-même, le licenciement n’était pas plus justifié.

Alors que la Cour d’Appel avait validé un licenciement visant une salariée malade en relevant que « les difficultés prouvées par l’employeur sont de nature à caractériser les perturbations dans le fonctionnement du magasin dans lequel la salariée était affectée, rendant nécessaire le remplacement définitif de celle-ci et justifiant ainsi son licenciement « , la Cour de Cassation a restreint le champ d’application de ce motif en considérant que dans cette affaire les absences répétées de la salarié n’entraînaient, comme le faisait observer l’avocat de la salariée, qu’une « perturbation dans le fonctionnement de l’établissement dans lequel travaillait la salariée et non de l’entreprise »

Compte tenu des critères très sévères retenus par la jurisprudence, il sera en réalité, très difficile de licencier un salarié absent pour maladie et quasiment impossible pour une moyenne ou grande entreprise. L’ordre public de protection, et les intérêts des salariés les plus fragiles commandaient une telle solution.

Une telle décision doit être mûrement réfléchie : en effet, l’annulation devant le Conseil de Prud’hommes d’un tel licenciement peut avoir des conséquences financières extrêmement lourdes outre la réintégration du salarié licencié dans de telles conditions.

Nadia TIGZIM
Avocat en droit du travail