Prise d’acte de la rupture du contrat de travail

Conséquence de la prise d’acte

Pour la Cour de Cassation, le non respect par l’employeur de ses obligations contractuelles doit avoir les mêmes conséquences indemnitaires pour le salarié qu’un licenciement irrégulier.

En cas de requalification par le Conseil des Prud’hommes de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut par conséquent prétendre à :

  •  une indemnité de préavis et une indemnité de licenciement, telles que prévues par les articles L1234-5, L1234-9 et R1234-2 du Code du Travail,
  • une indemnité compensatrice de congés payés,
  • une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass / Soc. 3 février 2010 ).

Par contre, si la prise d’acte est assimilée à une démission, le salarié peut être condamné à payer à son ancien employeur une indemnité pour non-exécution du préavis, même si dans les faits cela est assez rare, le salarié étant la plupart du temps simplement débouté de ses demandes d’indemnités.

Requalification de la prise d’acte en licenciement ou en démission

Il appartient au salarié de faire reconnaître par un Conseil des prud’hommes l’imputabilité de la rupture aux agissements fautifs de l’employeur.

En matière de prise d’acte de la rupture du contrat de travail, le doute ne profite pas au salarié, sur qui pèse la charge de la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

Il en est de même, réciproquement, lorsque c’est l’employeur qui prend acte de la rupture du contrat de travail.

Ces agissements d’une particulière gravité que le salarié DOIT PROUVER  doivent rendre impossible le maintien de la relation contractuelle. Ainsi des fautes de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail peuvent être réelles mais ne pas justifier une prise d’acte parce qu’elles ne sont pas d’une gravité suffisante rendant impossible le maintien de la relation de travail.

A titre d’exemples, ont été qualifiées en licenciement sans cause réelle et sérieuse, les prises d’acte liées :

De façon générale, toute modification unilatérale de la rémunération du salarié justifie également la prise d’acte de la rupture du contrat par le salarié aux tords de l’employeur comme le montre l’arrêt du 5 mai 2010 qui est d’autant plus remarquable que dans cette affaire, la modification de la méthode de calcul de la rémunération du salarié par l’employeur s’avérait en réalité plus favorable.

Or, la Chambre sociale a néanmoins considéré, comme le lui réclamait l’avocat du salarié, que cette modification, quand bien même elle serait plus avantageuse, constitue, de part son caractère unilatéral, un manquement suffisamment grave pour justifier une prise d’acte de la rupture du contrat de travail, aux tords exclusifs de l’employeur.

Au contraire, a été requalifiée en démission, la prise d’acte par laquelle le salarié reprochait à son employeur  :

  • des retards dans le paiement des salaires qui n’étaient dus qu’à des jours fériés,
  • d’avoir modifié son contrat de travail, sans que les faits invoqués n’aient été établis ou prouvés,
  • de ne pas avoir répondu à sa candidature à un plan de départ volontaire dans le cadre d’une procédure de licenciements économiques.

Prise d’acte ou résiliation judiciaire?

L’arrêt du 7 Juillet 2010 est intéressant car il confirme que la résiliation judiciaire d’un contrat de travail demandé au juge peut s’avérer plus intéressante qu’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail lorsqu’il existe un doute sur la gravité des faits reprochés.

Dans cette affaire, un salarié avait poursuivi la résiliation de son contrat de travail devant le Conseil des Prud’hommes mais les faits qu’il reprochait à son employeur n’avaient pas été considérés suffisamment graves pour justifier une telle demande. A l’appui de son pourvoi en cassation en faveur du salarié, son avocat reprochait alors à la Cour d’Appel d’avoir considéré que la rupture lui était imputable. La Chambre sociale de la Cour de Cassation lui donne effectivement raison en rappelant que «  le juge judiciaire saisi d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut pas prononcer la rupture de ce contrat de travail s’il estime que les manquements de l’employeur ne sont pas établis, mais seulement débouter le salarié de sa demande ».

En effet, en cas de prise d’acte, le salarié prend un risque non négligeable de voir son départ de l’entreprise considéré comme une démission. Par ailleurs, tant que les Tribunaux ne sont pas prononcés sur la qualification de la rupture, le salarié qui a pris acte de la rupture de son contrat de travail n’a pas droit aux allocations de chômage et est donc privé de rémunération. Comme le rappelle l’arrêt du 7 juillet 2010, ce risque n’existe pas en résiliation judiciaire, le seul « risque » pris par le salarié est la poursuite de son contrat de travail si sa demande n’aboutit pas…….

Le salarié qui doute de la gravité des faits reprochés à l’employeur, a donc tout intérêt à demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en lieu et place d’une prise d’acte de la rupture dans la mesure où si les faits reprochés ne sont pas considérés comme suffisamment graves, le salarié sera simplement débouté de sa demande sans que son départ puisse être qualifié de démission. Le contrat de travail reprendra tout simplement son cours normal.

Nadia TIGZIM
Avocat en droit du travail