Le succès de la procédure de rupture conventionnelle instaurée par le législateur en 2008 ne se dément pas comme en témoignent le nombre record de conventions enregistrées au premier semestre 2015 (165.180 conventions signées).
La rupture conventionnelle présente en effet de multiples avantages tant pour les employeurs que pour les salariés et notamment celui d’une procédure simple et rapide comme en attestent les articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du Code du travail qui encadrent ce dispositif.
De 2008 à 2015, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a de son coté eu le temps d’affiner et de délimiter les contours de sa jurisprudence face à un dispositif relativement novateur qui laissait quelques incertitudes lors de son introduction dans le corpus législatif.
Plusieurs questions ont ainsi été tranchées au cours du premier semestre 2015 : il en est proposé ici un bref panorama.
Sur la nécessité d’un commun accord non vicié du salarié et de l’employeur
Selon l’arrêt du 15 octobre 2014 de la chambre sociale de la Cour de cassation, la rupture conventionnelle est l’unique moyen de rompre un CDI par un accord conclu entre salarié et employeur de sorte que les parties ne peuvent donc pas s’entendre sur une rupture amiable en dehors de ce cadre légal. Or, dans cette affaire, salariée et employeur avaient signé un simple document mettant un terme au contrat. La salariée avait ensuite saisi le Conseil de Prud’hommes afin de requalifier cette rupture en licenciement. En défense, l’avocat de l’employeur faisait valoir que le contrat de travail pouvait être rompu par un accord entre les parties.
A tord selon la Cour de Cassation qui rétorque qu’une rupture d’un commun accord qui ne se soumettrait pas aux conditions et à la procédure de rupture conventionnelle devrait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
De plus, la signature de la convention de rupture conventionnelle suppose le consentement libre et éclairé du salarié comme de l’employeur. La salarié ne doit pas subir de pression ni être guidé par une contrainte exercée par l’employeur pour décider de prendre part à la rupture conventionnelle. Pourtant certains employeurs ont parfois recours à des intimidations ou à des pressions afin d’obliger le salarié à signer une convention de rupture conventionnelle.
C’est pourquoi la Cour de cassation veille au grain et sanctionne les manœuvres des employeurs qui cherchent à faire signer contre leur gré une rupture conventionnelle à leur salarié, bien souvent parce qu’ils n’ont pas de motifs de licenciement.
En démontre l’arrêt de du 9 juin 2015 de la chambre sociale de la Cour de cassation qui réaffirme sa jurisprudence constante sur la nullité applicable à une rupture conventionnelle entachée par des vices du consentement.
Elle donne ainsi raison à un salarié qui avait saisi le Conseil de Prud’hommes en demandant la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse d’une rupture conventionnelle intervenue juste après la notification d’un avertissement. Or, cet avertissement se concluait par une incitation à rompre le contrat de travail et en outre l’employeur avait indiqué lors des différents entretiens préalables à la rupture que le salarié percevrait une indemnité au titre de la clause de non-concurrence, alors qu’il l’avait ensuite délié de cette clause.
Attention toutefois, la Cour de cassation distingue entre menaces ou pressions menées par l’employeur et le fait qu’il existe un différend entre les parties à la convention. En effet, le conflit n’exclut pas la conclusion d’une rupture conventionnelle, ni n’en affecte la validité. La Cour de cassation a considéré à de nombreuses que le consentement peut être libre et éclairé en cas de litige préexistant comme en atteste cet arrêt en date du 13 mai 2015 de la chambre sociale qui précise que « l’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture »
Or dans cette affaire, le salarié avait saisi le Conseil des Prud’hommes en mettant en exergue le conflit pré-existant pour demander l’annulation de la rupture conventionnelle. Sur pourvoi en Cassation, l’avocat de l’employeur reprochait à la Cour d’Appel de ne s’etre fondée que sur ce conflit pour donner raison au salarié et annuler la rupture conventionnelle. La Cour lui donne raison et confirme qu’une rupture peut être valablement signée dans un contexte conflictuel.
Sur le versement d’une indemnité inférieure à l’indemnité légale minimale
Selon l’article L1237-13 du code du travail, « le salarié doit percevoir une indemnité de rupture d’un montant au moins égal à celui de l’indemnité prévue à l’article L1234-9 », c’est-à-dire à l’indemnité légale de licenciement.
Cependant la Cour de cassation vient à nouveau d’illustrer sa volonté de sécuriser le cadre des ruptures conventionnelles en restreignant les demandes en nullité de rupture conventionnelle homologuée et notamment en cantonnant leur nullité à la sphère des vices du consentement.
En effet, dans un arrêt du 8 juillet 2015 de la chambre sociale de la Cour de cassation vient de statuer sur le sort de la convention de rupture dans laquelle l’indemnité versée serait inférieure au minimum légal.
Dans cette affaire, un salarié avait saisi le Conseil de Prud’hommes et souhaitait logiquement obtenir l’annulation de sa convention de rupture au motif que l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui lui avait été accordée était inférieure au montant de l’indemnité légale de licenciement à laquelle il aurait pu prétendre car son employeur avait omis certaines primes au calcul de cette indemnité.
La Cour de cassation indique alors que la stipulation par les deux parties d’une indemnité dont le montant est inférieur à celle prévue par l’article L. 1237-13 du code du travail n’entraine pas la nullité de la convention de rupture.
Cependant elle précise qu’il convient de donner acte à l’employeur de ce qu’il serait redevable d’une somme à titre de complément d’indemnité de rupture conventionnelle.
Sur la conclusion d’une rupture conventionnelle pendant un congé maternité
Les tribunaux considèrent que la rupture conventionnelle peut être conclue lorsque le salarié est en arrêt maladie, en congé parental d’éducation, en congé sabbatique ou en congé sans solde.
De plus, la jurisprudence considère depuis un arrêt en date du 30 septembre 2014 qu’une rupture conventionnelle peut même être conclue pendant un arrêt de travail faisant suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.
La Cour de cassation est allée encore plus loin lors d’un arrêt en date du 25 mars 2015, puisque la chambre sociale est venue préciser que la protection de la femme enceinte n’empêche pas une rupture conventionnelle pendant un congé maternité. Dans cette affaire la salariée qui avait initialement signé une rupture conventionnelle durant la période de protection en soulevait la nullité devant le Conseil de Prud’hommes.
A tord pour la Cour de Cassation dans la mesure où « une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail au cours des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles la salariée a droit au titre de son congé de maternité, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l’expiration de ces périodes ».
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