Les ruptures conventionnelles, mode de rupture du contrat de travail venu s’insérer en 2008 dans la législation par le biais de l’article L1237-11 du code du travail créé par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, connaissent un grand succès et ont conduit la jurisprudence à trancher différentes questions de droit immobilier relatives à :
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- La rupture conventionnelle et le délai de préavis en bail d’habitation,
- La rupture conventionnelle et l’assurance perte d’emploi.
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Rupture conventionnelle et délai de préavis applicable au bail d’habitation
Selon l’article 15 de la loi (n°89-462) du 6 juillet 1989, le délai de préavis applicable au congé d’un bail d’habitation est par principe de 3 mois lorsqu’il émane du locataire mais peut être réduit à 1 mois en cas d’obtention d’un premier emploi, de mutation, de perte d’emploi ou de nouvel emploi consécutif à une perte d’emploi.
Selon le ministre du logement, dans une réponse ministérielle du 16 mars 2010 (JOAN Q. n°40307), en principe « en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée, le locataire qui donne congé bénéficie, sous réserve de l’interprétation des tribunaux de l’ordre judiciaire, d’un délai de préavis réduit à un mois. En effet, cette rupture conventionnelle du contrat de travail conduit à une perte d’emploi, condition pour bénéficier d’un préavis réduit ».
De plus, il est rappelé que le congé fondé sur la perte de l’emploi doit avoir lieu rapidement après cet événement, car la « période de chômage plus ou moins longue avant la délivrance du congé, ne permet pas au locataire de bénéficier d’un délai de préavis réduit ».
Cette interprétation a été confirmée par un arrêt de la Cour de Cassation du 9 juin 2016 : alors que l’avocat de la bailleresse soutenait que l’article 15 de la loi énumérait limitativement des causes de préavis réduit au rang desquelles ne se trouvait pas la rupture conventionnelle, la Cour de Cassation a considéré que ce mode de rupture du contrat de travail était une perte d’emploi permettant de bénéficier des dispositions de cet article.
Rupture conventionnelle et assurance perte d’emploi
En revanche, le contrat d’assurance perte d’emploi lié à un emprunt immobilier garantit un risque pouvant survenir indépendamment de la volonté des parties. Or, selon un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Nîmes du 8/11/2011, la rupture conventionnelle du contrat de travail, parce qu’elle suppose un accord entre l’employeur et le salarié, exclut le recours, faute d’aléa, à la garantie perte d’emploi pour un prêt immobilier
En réalité, tout dépend si le contrat d’assurance a été signé avant ou après la loi instaurant le mécanisme de rupture conventionnelle.
Pour les contrats signés avant l’entrée en vigueur de la loi, la réponse ministérielle n°74357 publiée le 9 novembre 2010 au Journal Officiel a en effet précisé que « la tarification des contrats conclus avant l’entrée en vigueur de la loi portant modernisation du marché du travail a été élaborée hors cette possibilité de rupture conventionnelle du contrat de travail. Il n’est donc pas possible d’étendre rétroactivement le champ des garanties perte d’emploi comprises dans les anciens contrats, sauf à obliger l’ensemble des assurés à renégocier leur contrat, éventuellement à leur détriment du fait d’un coût bien supérieur »
Cette position a été confirmée par l arrêt précité qui a relevé que dans le contrat d’assurance en cause il était précisé que « la garantie n’est pas due en cas de rupture du contrat de travail résultant d’un accord négocié avec l’employeur. Dans ces conditions, le caractère primordialement consensuel de la rupture conventionnelle du contrat de travail exclut la mise en œuvre de la garantie d’assurance perte d’emploi qui suppose une perte d’emploi subie par le salarié consécutive à un licenciement, seul cas de mise en œuvre de la garantie prévue par le contrat »
Pour les contrats conclus postérieurement à la loi de modernisation du marché du travail, il convient de vérifier si celui-ci exclut formellement ou implicitement ce mode de rupture en visant par exemple comme clause d’exclusion les cas de rupture ou accord négocié ce qui englobe à la fois les transactions mais également les ruptures conventionnelles.
En tout état de cause, lors d’une rupture conventionnelle, l’avocat du salarié qui négocie une rupture conventionnelle a tout intérêt à vérifier cette question qui serait en mesure de bouleverser tout l’équilibre de l’accord car en cas d’exclusion par l’assureur de ce mode de rupture ( ce qui est le cas le plus fréquent ) il serait préférable pour lui d’être licencié plutôt que de conclure une telle convention.
Nadia TIGZIM
Avocat en droit du travail