Les trois critères de la « rupture brutale des relations commerciales établies »

La rupture brutale des relations commerciales et d’affaires effectuée sans préavis écrit d’une durée suffisante et raisonnable est sanctionnée par les dispositions contenues à l’article L.442-6-I.5eme du Code de commerce devenu L. 442-1, II depuis l’ordonnance du 24 avril 2019 qui prévoit qu « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait (…) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit »

L’article L. 442-1, II du Code de Commerce conditionne son application à la démonstration de trois critères étroitement liés :

  • Une relation commerciale établie.
  • Une brutalité de la rupture de la relation commerciale établie.
  • Un préjudice réparable.

Des relations commerciales continues et établies

La jurisprudence a une appréciation extensive de la notion de relation commerciale établie. En effet, lorsque l’on parle de relation commerciale établie, on vise l’ensemble des relations économiques c’est-à-dire la relation commerciale au sens large.

Cette relation commerciale doit être établie, ce qui suppose de prendre en compte deux éléments :

  • Un élément objectif : la durée, c’est-à-dire que la relation doit être d’une certaine intensité dans le temps ;
  • Un élément subjectif : la croyance légitime en la pérennité de la relation. Cette croyance dépend notamment des usages du secteur concerné.

Cette qualification peut donc être retenue ou pas, quelque soit le secteur d’activité en cause,  en examinant la durée des relations d’affaires, l’importance du chiffre d’affaires réalisé ainsi que de la continuité et de l’évolution à la hausse ou à la baisse de cette relation d’affaires.

Dans un arrêt du 27 octobre 2016 [n° 15/06830], la Cour d’Appel de Paris a notamment considéré que la relation commerciale est établie dès lors que les relations contractuelles en cause font l’objet d’un flux d’affaires stable et continu et prévisible, ce critère de stabilité ayant conduit la victime de la rupture à escompter et anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son co-contractant commercial.

Enfin, il peut être intéressant de savoir que l’ancien article L.442-6, 5° du Code de commerce ne s’applique pas aux relations sociétaires internes entre un associé d’une société et la société, un membre d’une coopérative et la coopérative et un membre d’un GIE et le GIE. La règle ne devrait pas changer avec l’ordonnance du 24 avril 2019.

Une relation commerciale brutalement rompue

Le nouvel article L. 442-1, II du Code de commerce prévoit que la rupture d’une relation commerciale établie n’est pas préjudiciable sous réserve de respecter un certain préavis écrit.

C’est le non-respect de ce préavis qui entraine une rupture brutale de la relation et engage la responsabilité de son auteur car ce qui est sanctionné n’est pas la rupture en tant que telle mais son caractère brutal, imprévisible, et abusif car réalisé sans respecter un préavis.

Cette rupture peut également être partielle, c’est notamment le cas lorsque la rupture découle d’un déréférencement partiel c’est-à-dire le fait de ne plus acheter la gamme complète d’un produit mais seulement une partie.

Le préavis doit tenir compte de la durée et de l’importance des relations commerciales antérieures, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

Toutefois, et c’est une nouveauté de l’Ordonnance du 29 avril 2019, le législateur considère qu’en cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut plus être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.

A cet égard, le juge n’est pas lié par la durée prévue par les parties, il peut selon les circonstances (ou les usages de la profession) allonger ou réduire la durée du préavis, dans la limite de dix-huit mois. Il arrive souvent qu’en présence d’une dépendance économique de l’une des parties sur l’autre, le juge intervienne pour modifier la durée du préavis et plus la dépendance est forte et plus le préavis sera long. ​

Enfin, il convient de préciser que la brutalité de la rupture ne peut être retenue en présence d’une faute grave ou une inexécution contractuelle de la part de la victime de la rupture brutale des relations commerciales établies.

La suite en page suivante….