Demande de requalification en bail commercial et clauses réputées non écrites

Le recours à la notion de fraude au statut

Cette prescription biennale constitue donc un véritable obstacle à la demande du locataire visant à faire reconnaître l’existence d’une clause réputée non écrite.

Cependant, il existe une possibilité pour le locataire d’invoquer la fraude du bailleur consistant à contourner les dispositions applicables aux baux commerciaux. En effet, dans un arrêt du 23 septembre 2021 (pourvoi n° 20-10.812), la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé qu’il résulte de la combinaison de l’article L. 145-60 du Code de commerce et du principe  selon lequel la fraude corrompt tout que la fraude suspend le délai de prescription biennale applicable aux actions au titre d’un bail commercial.  C’est sur ce fondement juridique que la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 23 octobre 2019 rendu par la Cour d’appel de Colmar qui avait déclaré irrecevable l’action en requalification en contrat de bail commercial, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si une fraude, dont l’existence était invoquée, n’était pas de nature à suspendre la prescription biennale.

Dans une autre affaire (voir arrêt du 19 novembre 2015 (pourvoi n°14-13.882), une fraude a été caractérisée par la Cour d’appel de Paris. En l’occurrence, un contrat de prestation de services réciproques avait été conclu pour une durée indéterminée. Dans le cadre dudit contrat, une société a donné à une autre société la jouissance d’une boutique à usage commercial en vue de la vente des produits commercialisés sous une marque de la seconde société. En contrepartie, cette dernière verse à la première société une redevance représentant vingt pour cent du chiffre d’affaires hors taxe.

Le 4 mars 2011, la société titulaire des locaux a notifié son intention de résilier le contrat avec effet au 4 janvier 2012. La société bénéficiant de la jouissance des mêmes locaux demande alors la requalification du contrat de prestation de services réciproques en bail commercial. Par un arrêt du 14 janvier 2014, la Cour d’appel de Paris a souverainement retenu une fraude du bailleur, après avoir relevé que le contrat avait été faussement intitulé « contrat de prestations de services réciproques » et que les clauses de mobilité et de durée, qui permettaient unilatéralement au bailleur de faire obstacle à la stabilité du local et de réduire sa superficie, alors que ce local avait été livré brut de décoffrage et aménagé par la locataire, avaient été stipulées dans le but exclusif de contourner le statut des baux commerciaux. Par conséquent, cette fraude avait suspendu la prescription biennale pendant la durée du contrat et l’action en requalification était recevable. La décision de la Cour d’appel de Paris a été approuvée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

En pratique, prouver une telle fraude n’est peut-être pas une mince affaire !

Maître Nadia TIGZIM reste à votre disposition pour tout renseignement relatif aux baux commerciaux.