Droit de repentir dans le bail commercial

Le bailleur qui a signifié au preneur à bail commercial un congé sans offre de renouvellement doit payer une indemnité d’éviction.

Il dispose toutefois d’un droit de repentir qui lui permet de revenir sur son congé, d’offrir le renouvellement du bail et de se dispenser du paiement de l’indemnité d’éviction dont le montant peut être particulièrement élevé car elle correspond à la valeur du fonds de commerce exploité dans les lieux loués.

Lorsque l’indemnité d’éviction a été fixée judiciairement, l’article L.145-58 du Code de commerce fixe un délai d’exercice limité à quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée pour que le propriétaire exerce son droit de repentir.

Ce délai de 15 jours n’est qu’une limite extrême. Le bailleur peut parfaitement  notifier son repentir de façon anticipée, même avant le début de l’instance.

En outre, ce repentir doit remplir certaines conditions afin de permettre au bailleur d’échapper au paiement de l’indemnité d’éviction prévu par la législation sur le bail commercial.

Le repentir du bailleur doit être dépourvu de réserve

La cour de cassation, par un arrêt du 9 mars 2011, est venue préciser les contours de ce droit de repentir.

Dans l’affaire qui lui était soumise, le bailleur, qui, semble t’il, était en contentieux récurrent avec son locataire, avait donné un congé sans offre de renouvellement, puis s’étant ravisé, avait délivré un congé avec offre de renouvellement assorti de réserves en l’attente du résultat d’un pourvoi en cassation.

La Cour de Cassation a cependant considéré que le congé avec offre de renouvellement, notifié sous réserve d’un pourvoi en cassation formé contre un arrêt d’appel, était dépourvu du caractère irrévocable et ne pouvait valablement caractériser l’exercice par le bailleur de son droit de repentir.

En conséquence, l’indemnité d’éviction était due.

Le droit de repentir doit être exercé dans les 15 jours suivant la décision passée en force jugée

Ce délai doit être soigneusement respecté. Il prend effet :

  • En cas de jugement : dans les 15 jours de la décision devenue définitive par l’expiration des délais d’appel ;
  • En cas d’arrêt d’appel : dans les 15 jours du prononcé de la décision, cette solution ayant été rappelée par un arrêt du 4 juin 2014 mettant en cause la responsabilité d’un avocat qui avait omis d’informer le bailleur de la décision prononcée dans les 15 jours impartis afin de lui permettre d’exercer son repentir.

Le droit de repentir ne peut s’exercer si le locataire du bail commercial s’est déjà réinstallé

La validité du renoncement du bailleur est cependant subordonnée à une triple condition :

  • Le locataire n’a pas définitivement quitté les lieux, cette condition n’étant notamment pas réalisée dès lors que le locataire dispose encore des clefs du local lors de l’exercice du droit de repentir.
  • Le locataire n’a pas déjà acheté ou loué un nouveau local afin d’organiser sa réinstallation, étant précisé que cette réinstallation doit être effectuée soit directement par le locataire initial ou bien par une nouvelle personne mais à la condition expresse que cette nouvelle personne ait un lien contractuel ou statutaire avec le locataire initial ( achat par exemple par le biais d’une SCI où le locataire initial est associé )
  • Cette réinstallation dans un nouveau local est entendue de façon restrictive puisqu’elle doit être exercée pour le même fonds et non pour un fonds différent.

En conséquence, dès lors que le local de réinstallation est acheté ou loué par une personne morale distincte sans lien avec le preneur et que les activités exercées ne sont pas strictement identiques, la réinstallation n’est pas prouvée et le droit de repentir peut être valablement exercé au bénéfice du bailleur (CA Versailles, 8 déc. 2015, n° 13/08090  )

Mise à jour d’un article du 29 mars 2011

Nadia TIGZIM
Avocat en droit des baux commerciaux