L’immatriculation au RCS (Registre du Commerce et des Sociétés) est une obligation légale à laquelle sont assujettis les commerçants, sociétés et groupements d’intérêts économiques dont le siège social se trouve en France.
Prévue à l’article L123-1 du Code de Commerce, cette immatriculation permet notamment aux commerçants et sociétés de bénéficier du statut protecteur des baux commerciaux et conditionne de façon contraignante leur droit au renouvellement du bail commercial.
Or la Cour de Cassation, dans un arrêt remarqué du 22 septembre 2016, a posé de nouvelles exigences quant à l’étendue et au périmètre de cette obligation.
Le droit au renouvellement du bail commercial est conditionné par l’immatriculation au RCS de l’établissement exploité
En matière de baux commerciaux, l’immatriculation au RCS évoquée est celle du local dans lequel est exploitée un fonds de commerce et non de l’immatriculation liée à la personne du commerçant. En effet, un commerçant peut être immatriculé sans que le local qui fait l’objet de son bail ne le soit.
Établissement principal, secondaire et accessoire, lequel immatriculer ?
L’article L145-1 du Code de Commerce conditionne le bénéfice du statut des baux commerciaux à l’immatriculation au RCS du fonds de commerce exploité.
La distinction entre l’immatriculation liée à la personne du commerçant et l’immatriculation du local n’est pas nécessaire lorsque le commerçant, l’artisan ou la société immatriculé ne dispose que d’un seul établissement car la difficulté apparaît le plus souvent en pratique lorsque le commerçant est titulaire de plusieurs établissements.
L’établissement principal est défini par la jurisprudence comme « un local principal qui a une clientèle propre » (Cass. com, 1 mars 1961) ou dans lequel le fonds est exploité (Cass. Com. 25 avril 1963), il est soumis à immatriculation sans délai.
L’établissement secondaire, est un établissement distinct non situé dans le ressort de l’établissement principal. Son immatriculation doit être faite auprès du greffe compétent pour l’établissement principal (article R.123-41 du Code de commerce), dans le délai d’un mois avant ou après cette ouverture.
L’établissement accessoire ou complémentaire, est un établissement distinct de l’établissement principal mais ouvert dans le même ressort que ce dernier. A la différence des deux précédents, il n’est pas tenu à l’immatriculation.
Le défaut d’immatriculation au RCS exclut tout droit au renouvellement du bail commercial
En vertu de l’article L 145-9 du Code de commerce, le droit au renouvellement des baux commerciaux protège le preneur d’un bail commercial contre un éventuel refus de renouvellement par le bailleur.
En effet, le bailleur doit à la fin du bail commercial, à défaut de proposer le renouvellement de ce bail ou de l’accepter à la demande du preneur, payer une indemnité d’éviction représentant la valeur du fonds sauf s’il justifie d’un motif légitime, ce motif légitime étant encadré et apprécié sévèrement par les juges.
Encore faut-il que l’établissement visé par le renouvellement soit immatriculé dans les conditions rappelées plus avant.
A défaut, le bailleur, est en droit, sans avoir à justifier de motif supplémentaire, de refuser tout renouvellement du bail sans paiement de l’indemnité d’éviction.
La sanction est sévère, rigoureuse et irréparable.
Le preneur d’un bail commercial non immatriculé au RCS au jour de la délivrance de congé, ne peut pas se prévaloir du droit au renouvellement. La condition d’immatriculation doit donc être remplie au moment du congé. Le défaut d’immatriculation, prive non seulement du droit au renouvellement mais également de l’indemnité d’éviction.
Les conséquences économiques d’un refus de renouvellement d’un bail commercial peuvent être graves et mettre l’activité commerciale concernée en danger, l’immatriculation est donc d’une importance capitale.
Il suffit ainsi qu’au jour du congé délivré, le bailleur produise un extrait Kbis au sein duquel l’établissement touché ne soit pas mentionné pour que le refus de renouvellement soit considéré comme acquis sans qu’une indemnité d’éviction ne soit mise à la charge du bailleur.
A l’inverse la production d’un extrait Kbis mentionnant l’établissement au jour de la délivrance du congé met le locataire à l’abri d’un tel risque ;
L’enjeu est par conséquent élevé, les Tribunaux appliquant sans état d’âme cette règle régulièrement rappelée par la Cour de Cassation.
Or, une décision novatrice et très remarquée du 22 septembre 2016 a encore endurci ce principe en y ajoutant une nouvelle contrainte relative à l’activité effectivement exploitée ;
L’immatriculation au RCS doit porter sur l’activité réellement exercée
Dans l’arrêt du 22 septembre 2016 (Cass. 3ème civ, 22 septembre 2016, pourvoi n° 15-18456), l’avocat du bailleur avait assigné la société locataire en résiliation du bail ainsi qu’en déchéance de l’indemnité d’éviction sur le fondement du défaut de l’immatriculation au RCS, pour l’activité réellement exercée dans les lieux.
Les juges de première instance avaient alors jugé, selon la jurisprudence applicable à cette date, que l’absence de mention dans l’immatriculation de l’une des activités exercées dans les lieux, ne constituait pas un manquement suffisamment grave susceptible de priver le preneur de son indemnité d’éviction.
La Cour d’Appel reconnaissait ensuite l’existence d’un manquement, en indiquant que « l’activité figurant à l’extrait du k bis aurait dû être modifiée à la suite de la modification de l’activité exercée par la société », mais faisait toutefois preuve d’indulgence en refusant de priver le preneur de l’indemnité d’éviction devant lui être versée, en faisant prévaloir -comme il était alors d’usage- la force du droit au renouvellement, au formalisme de l’immatriculation.
L’audace de l’avocat du bailleur qui s’est pourvu en cassation, a finalement été récompensée dans la décision finale puisque la Cour de cassation a répondu favorablement à son pourvoi.
Après avoir rappelé d’une part le principe selon lequel « le défaut d’immatriculation prive le preneur de son droit au renouvellement et de l’indemnité d’éviction », et ce sans nul besoin d’une mise en demeure préalable, la Cour de Cassation ajoute en amont mais sans moins d’importance, que l’activité mentionnée dans l’extrait du k bis doit être l’activité effectivement exercée dans les lieux d’exploitation du fonds.
Si l’activité effectivement exploitée n’est pas l’activité indiquée dans l’extrait de Kbis, l’immatriculation ne vaut plus rien à elle seule, et le locataire ne bénéficie pas du statut des baux commerciaux et des droits afférents.
Non seulement, le fonds de commerce exploité doit être immatriculé mais en plus, il doit l’être pour toutes les activités effectivement exploitées.
De façon pratique et compte tenu de l’aspect novateur de cette nouvelle exigence, les preneurs et leurs avocats seraient particulièrement inspirés de procéder à la revue des baux dont ils ont le bénéfice ou la charge afin de s’assurer que non seulement le fonds de commerce est immatriculé mais également que l’activité exercée reste fidèle à celle qui est mentionnée dans ladite immatriculation au RCS.
Nadia TIGZIM
Avocat en droit des baux commerciaux