Irrecevabilité de la demande d’acquisition de la clause résolutoire

La Cour d’Appel de Paris a rendu le 16 mai 2025 un arret interressant sur l’irrecevabilité d’une demande d’acquisition de la clause résolutoire.

Faisant preuve de précipitation, une bailleresse avait en effet engagé une telle procédure sans respecter les dispositions contractuelles prévues dans le bail signé avec sa locataire.

Or, le bail signé entre les parties comportait une clause résolutoire libellée de la sorte :

«  Clause résolutoire :

Il est expressément stipulé qu’à défaut de paiement d’un seul terme ou fraction de terme de loyer ou accessoires à son échéance ou en cas d’inexécution d’une seule des clauses et conditions du bail, et deux mois après une mise en demeure restée Infructueuse, le bail sera résilié de plein droit, même dans le cas de paiement ou d’exécution postérieur à l’expiration des délais ci-dessus »

La locataire disposait ainsi d’un délai de deux mois aux fins de régulariser sa situation.

Or, la bailleresse n’avait pas respecté les délais contractuellement impartis à sa locataire afin de régulariser sa situation.

En effet, alors que le commandement visant la clause résolutoire avait été délivré le 13 octobre 2023, la bailleresse :

  • avait assigné sa locataire, aux fins de constater l’acquisition de la clause résolutoire le 23 novembre 2023 soit moins de deux mois avant le délai imparti par la clause résolutoire contractuelle pour régulariser la situation .
  • avait sollicité et obtenue de la juridiction des référés initialement saisie la résiliation du bail commercial par acquisition de la clause résolutoire à la date du 13 novembre 2023 alors même que la clause ne pouvait être acquise avant le 13 décembre 2023.

Or, ce délai de deux mois était contractuel et impératif de sorte que la bailleresse n’avait aucune possibilité de s’y soustraire.

En effet de  jurisprudence constante et concordante, la clause résolutoire s’interprète strictement.

En ne bénéficiant pas du délai de DEUX MOIS qui lui était contractuellement imparti pour régulariser sa situation la locataire :

  • n’avait pu solder dans les délais contractuellement impartis de deux mois sa dette de loyer.
  • avait été privée du laps de temps qui lui était imparti par la clause résolutoire contractuelle pour faire opposition devant le Juge du FOND, paralyser les effets de la clause et provoquer un débat de fond sur les manquements du bailleur qu’il entendait faire valoir.

Cette situation était de surcroît irrégularisable et n’a pas été régularisée par la bailleresse.

L’irrecevabilité de sa demande était encourue pour défaut de tout droit d’agir au moment de l’introduction de sa procédure.

En réponse sur ce moyen, la bailleresse avait vainement tenté de faire valoir que l’affaire ayant été plaidée huit mois après l’assignation introductive d’instance, la locataire avait effectivement bénéficié du délai de deux mois contractuellement prévu pour régulariser sa situation.

Elle avait également tenté de faire valoir que l’article L 145-41 du Code de Commerce ne prévoyait qu’un délai minimal d’un mois qui avait été respecté de sorte qu’il était indifférent que le bail ai prévu un délai plus long de deux mois.

Or, le texte et la jurisprudence sont très clairs : le bailleur qui entend se prévaloir d’une clause résolutoire ne peut le faire que dans les conditions minimales de l’article L 145-41 du Code de commerce ( qui ont été respectées) et dans le délai contractuel s’il est plus long.

En l’occurrence ce délai était de deux mois de sorte que le bailleur avait assigné hors délai et prématurément.

L’irrecevabilité de sa demande d’acquisition de la clause résolutoire ne pouvait qu’être prononcée sur le fondement de l’article 122 du Code de Procédure Civile qui prévoit que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée »

Elle était par conséquent irrecevable à agir au moment de l’introduction de sa demande pour défaut de droit d’agir, cette irrecevabilité s’appréciant au moment de l’introduction de sa demande et non huit mois plus tard comme le soutenait la bailleresse.

La Cour d’Appel de PARIS a effectivement retenu le moyen principal soulevé par la locataire en relevant que le bailleur avait assigné sa locataire « devant le premier juge suivant acte du 23 novembre 2023, soit avant l’expiration du délai imparti à cette dernière pour régulariser la situation locative.Il en résulte qu’à la date de l’acte introductif d’instance, la société était dépourvue du droit d’agir en acquisition de la clause résolutoire de sorte que ses demandes tendant au constat de la résiliation du bail, à l’expulsion de la société locataire et au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle sont irrecevables.

La résiliation du bail a donc été rejetée, au plus grand bénéfice de la locataire.

Points pratiques – à retenir :

            • Vérifier systématiquement les conditions prévues par la clause résolutoire
            • Dans le doute, appliquer systématiquement les délais les plus longs mentionnés au bail