Clause d’indexation excluant toute baisse de loyer et bail commercial

La clause d’indexation, élément clé des baux commerciaux, permet d’ajuster automatiquement le loyer en fonction d’un indice prédéfini. Cependant, lorsque cette clause exclut toute baisse du loyer, elle peut être déclarée illicite, comme l’a récemment rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 4 juillet 2024. Cet article explore les enjeux juridiques et pratiques liés à ces clauses, tout en analysant leur impact sur les relations entre bailleurs et preneurs à la lumière des dernières évolutions légales et jurisprudentielles.

I – CONTEXTE LÉGAL DES CLAUSES D’INDEXATION 

  1. Qu’est-ce qu’une clause d’indexation et quel est son utilité dans le bail commercial ?

La clause d’indexation, ou clause d’échelle mobile se trouve fréquemment insérée dans les baux commerciaux. Elle permet au preneur et au bailleur de s’accorder afin d’indexer le loyer en cours de bail selon un indice et une périodicité convenue entre eux, c’est-à-dire faire varier le montant du loyer commercial de façon automatique. Cette possibilité est encadrée par l’article L. 145-39 du Code de commerce, modifié par la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 dite « loi Pinel » (article 11).

  1. Une clause permettant de déroger au droit commun des baux commerciaux

Généralement, cette périodicité est annuelle et vient en dérogation du droit commun du bail commercial, prévu à l’article L.145-38 du Code de commerce, qui ne prévoit qu’une révision des loyers commerciaux tous les trois ans lorsque le contrat de bail commercial ne comporte pas de clause d’indexation. Cette variation automatique, prévue par la clause d’indexation, peut affecter le montant initial du loyer à la hausse comme à la baisse.

II – PRÉCISIONS JURISPRUDENTIELLES : L’ILLICÉITÉ DES CLAUSES D’EXCLUSION DE VARIATION À LA BAISSE DU LOYER

  1. Analyse de l’arrêt du 4 juillet 2024 de la Cour de cassation

La Cour de cassation a eu, une nouvelle fois, l’occasion de s’exprimer à ce sujet. Il s’agissait en l’espèce d’une société ayant donné à bail des locaux commerciaux. Le contrat de bail stipulait une clause d’indexation prévoyant uniquement une variation du loyer à la hausse, excluant ainsi toute variation à la baisse. Le bailleur a, par la suite, vendu les locaux à une autre société.

Le locataire a donc assigné la société cédante ainsi que le cessionnaire dans le but de faire constater le caractère non écrit de la clause d’indexation, mais aussi de solliciter la restitution des sommes versées au bailleur au titre de celle-ci.

La Cour d’appel a considèré que la clause d’indexation devait être réputée non écrite puisqu’elle avait pour effet d’autoriser seulement une variation du loyer à la hausse, ce qui s’avérait désavantageux pour le preneur.

La Cour d’Appel a également considéré que l’intégralité de cette clause d’indexation devait être réputée non écrite puisque le bailleur avait déclaré lors de la conclusion du bail que « les stipulations relatives à l’indexation annuelle du loyer constituaient pour lui un motif déterminant de la conclusion du contrat, sans lequel celui-ci n’aurait pas été conclu, ce qui est expressément accepté par le preneur ».

Soumis à la censure de la Cour de Cassation, la troisième chambre civile a alors confirmé, par une décision en date du 4 juillet 2024 (n°23-13.285), que la clause d’indexation prévoyant la variation du loyer uniquement à la hausse doit être effectivement réputée non écrite.

Cependant et dans la continuité de sa jurisprudence issue d’un arrêt du 12 janvier 2022, elle a néanmoins précisé que seule la stipulation en cause devait être réputée non écrite et non l’ensemble de la clause, sauf dans le cas de l’indivisibilité de cette dernière, contredisant ainsi une partie du raisonnement de la Cour d’appel.

  1. Une décision en continuité avec la jurisprudence issue de l’arrêt du 12 janvier 2022

S’inscrivant dans le prolongement de sa jurisprudence précédente, la Cour de cassation rappelle ici sa jurisprudence fixée par un arrêt de la 3ème chambre civile du 12 janvier 2022 publiée au Bulletin qui rompait avec sa jurisprudence antérieure (n°21-11.169).

Il avait alors été décidé, en présence de faits similaires, que la clause écartant la variation à la baisse du loyer était illicite, mais aussi que le fait que cette clause s’avérait être une condition essentielle et déterminante de la conclusion du contrat, ne suffisait pas à caractériser l’indivisibilité nécessaire à ce qu’elle soit réputée non écrite dans son intégralité.

Ces deux décisions marquent ainsi une rupture brutale avec les décisions précédentes de la Cour de cassation, notamment l’arrêt du 14 janvier 2016, de la 3ème chambre civile (n°14-24.681), qui avait considéré la clause d’indexation nulle dans son intégralité.

Depuis 2022 et l’arrêt précité, la Cour de Cassation a pris le parti d’atténuer les conséquences de l’illicéité d’une clause, et ce au plus grand bénéfice du bailleur.

III – CONSÉQUENCES PRATIQUES POUR LES PARTIES AU BAIL COMMERCIAL

Avant 2022 et le présent Arrêt, la nullité d’une clause illicite, entrainait une sanction rétroactive assortie des conséquences suivantes :

  • La restitution par le bailleur des loyers trop perçus sur une période de cinq ans en arrière compte tenu de la prescription quinquennale applicable en matière de loyers commerciaux ;
  • La réévaluation du loyer à venir par le seul jeu de la révision légale prévue par l’article L.145-38 du Code de commerce soit tous les trois ans.

Ceci était particulièrement sévère pour le bailleur.

Par l’Arret du 4 juillet 2024, pris en continuité de celui de 2022, la Cour de cassation confirme l’illicéité des clauses d’indexation écartant une variation à la baisse du loyer mais limite les effets de cette illicéité en décidant que la sanction tendant à réputer non écrite une clause doit seulement être limitée à la portion de la clause entachée d’un caractère illicite sauf en cas d’indivisibilité.

En l’absence d’indivisibilité de la clause, seule la partie illicite de la clause doit être écartée ce qui ne permet ni la mise à l’écart de la clause dans son entier ni le remboursement des augmentations antérieures perçues par le bailleur.

Cette indivisibilité doit être appréciée objectivement, et ne pourrait être caractérisée que lorsque l’amputation de la portion illicite de la clause lui ferait perdre tout sens et serait de nature à porter atteinte à sa cohérence. En somme, dans le cas d’espèce, les loyers pourront aussi bien varier à la hausse comme à la baisse, la partie de la clause d’indexation contraire ayant été réputée non écrite.

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Nadia TIGZIM
Avocat en droit des baux commerciaux