Loyers commerciaux durant le confinement : nouveau moyen d’en écarter l’exigibilité

Un nouveau moyen de droit pourrait permettre aux locataires commerciaux de se soustraire au paiement des loyers dûs pendant la période de confinement.

Le COVID-19 et ses différentes conséquences a posé d’importantes difficultés en matière d’exigibilité des loyers commerciaux. Une décision innovante vient cependant d’être rendue le 20 janvier dernier par le Juge de l’exécution (JEX) du Tribunal judiciaire de Paris (RG 20/80923).

Cette décision, apporte une nouvelle réponse aux questionnements posés par les dispositions de l’ordonnance N° 2020-306 du 25 mars 2020 ayant ordonné la fermeture administrative de tous les commerces considérés comme non essentiels.

En effet, si cette Ordonnance énonçait que le défaut de paiement des loyers commerciaux par les locataires dont le commerce avait été fermé ne pouvait être sanctionnée, se posait néanmoins la question de savoir si les bailleurs pouvaient réclamer ou saisir lesdits loyers.

La décision du Tribunal judiciaire de Paris du 20 janvier 2021 semble apporter un nouveau moyen aux plaideurs et avocats souhaitant contester l’exigibilité des loyers durant la période de confinement : en effet, dans cette décision, le Juge de l’Exécution du Tribunal judiciaire de Paris a assimilé l’impossibilité juridique d’exploiter les lieux loués en raison d’une mesure d’interdiction d’accueil du public à la perte de la chose louée de l’article 1722 du Code civil.

De par cette interprétation de la notion de perte de la chose louée, le locataire serait donc libéré de l’obligation de payer ses loyers pour la période allant du 16 mars au 11 mai 2020 et correspondant au premier confinement.

Paiement du loyer durant le confinement : assimilation de la période de fermeture à une perte de la chose louée prévue à l’article 1722 du code civil

Ici, la société demanderesse avait pris à bail un local commercial. Le commerce exploité fera cependant l’objet comme tant d’autres d’une mesure d’interdiction d’accueil du public pour une période allant du 16 mars au 11 mai 2020.

Le bailleur procédera néanmoins, sur le fondement du bail notarié (qui a valeur de titre exécutoire permettant à son titulaire de passer outre la saisine préalable d’un juge) à une saisie attribution auprès de la banque de son locataire, saisie attribution correspondant aux loyers commerciaux dûs pour le deuxième trimestre de l’année 2020 soit la période du premier confinement.

La société preneuse à bail assignera donc son bailleur aux fins d’obtenir entre autre la mainlevée de la saisie-attribution en arguant que les loyers d’avril et de mai 2020 n’étaient pas dûs en raison des décisions de fermeture administrative.

Par cette décision en date du 20 janvier 2021 le Tribunal Judiciaire de Paris va souscrire à cette argumentation en assimilant l’impossibilité juridique de jouir de la chose louée, causée par les pouvoirs publics et les mesures de fermeture administrative, à la perte de la chose louée de l’article 1722 du Code civil.

Il est important ici de rappeler les dispositions de cet article généralement invoqué en matière de sinistre, ce dernier dispose en effet que :

« Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement ».

De fait, en vertu de cet article, le bailleur ne pourra réclamer le paiement des loyers commerciaux échus pour la période de confinement allant du 16 mars au 11 mai 2020, le Juge de l’Exécution énonçant en effet que :

« L’impossibilité juridique survenue en cours de bail, résultant d’une décision des pouvoirs publics, d’exploiter les lieux loués est assimilable à la situation envisagée (laquelle a pour effet de libérer le preneur de l’obligation de payer le loyer tant qu’il ne peut jouir de la chose louée) au texte ci-dessus reproduit, peu important à cet égard la clause de responsabilité invoquée par [le bailleur]. »

Par cette décision, le preneur à bail se trouve donc exonéré de loyers pour la période durant laquelle le commerce exploité était fermé en raison des mesures de fermeture administrative.

Cette décision est inédite à plusieurs niveaux, elle doit donc être placée dans le contexte de la jurisprudence issue de la période inaugurée avec l’ordonnance du 25 mars 2020 qui a ordonné la fermeture des commerces non essentiels.

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