Prescription biennale : point de départ de l’action en requalification d’un contrat en bail commercial

Revirement de jurisprudence : Le point de départ de la prescription biennale est fixé à la date du dernier contrat signé

Le locataire a alors contesté la décision d’appel en formant un pourvoi devant la Cour de cassation.

L’argument avancé par le locataire est fondé sur la détermination du point de départ de la prescription biennale de l’action en requalification d’une convention en bail commercial, le locataire soutenant que “ le point de départ de la prescription biennale applicable à la demande tendant à la requalification d’une convention en bail commercial court à compter de la conclusion du dernier contrat, conclu entre les parties, dont la requalification est demandée”.

Ce motif était en contradiction avec la jurisprudence jusqu’alors appliquée par la Cour de Cassation ainsi que les juridictions inférieures.

De façon assez inattendue, la Cour de cassation lui a cependant donné raison en inaugurant un nouveau point de départ de l’action en requalification en décidant que “le délai de prescription biennale applicable à l’action en requalification d’un contrat en bail commercial court, même en présence d’une succession de contrats distincts dérogatoires aux dispositions du statut des baux commerciaux, à compter de la conclusion du contrat dont la requalification est recherchée”.

Ainsi, la décision de la Cour d’appel ayant fixé le point de départ de la prescription biennale au 9 novembre 2009 (date du premier contrat) ne pouvait qu’être cassée et annulée pour violation de l’article L145-60 du code de commerce.

En l’occurrence, la prescription biennale commençait à courir seulement à partir du 1er novembre 2014 (date du dernier contrat). Le locataire pouvait alors intenter une action en requalification du dernier contrat en bail commercial jusqu’au 31 octobre 2016. Dans la mesure où l’assignation avait été délivrée le 26 mai 2016, l’action n’était pas encore prescrite.

Un point de départ de la prescription applicable à l’action en requalification en bail commercial favorable aux intérêts du locataire.

Cet arrêt met un terme à la jurisprudence précitée notamment confirmée par l’arrêt de la Cour de cassation du 14 sept. 2017(n° 16-23.590) qui fixait imperturbablement le point de départ de l’action en requalification à la date du contrat initial même en cas de contrats successifs.

Ce revirement de la Cour de cassation est surprenant, car il n’était pas anticipé dans ses décisions précédentes qui semblaient établir une position différente de manière constante.

Cette nouvelle position de la Cour est favorable aux intérêts des locataires : en effet le plus souvent c’est au moment du refus de renouvellement de la convention lui ayant permis de rentrer dans les lieux que le locataire se décide à agir.

Or, en cas de renouvellements de baux successifs précaires, le locataire se retrouvait le plus souvent prescrit en sa demande de requalification dès lors que le contrat initial avait été conclu plus de deux ans auparavant (dans le cas présent le contrat initial avait été conclu en 2009).

Or, en différant le point de départ de l’action en requalification à la date de conclusion du dernier contrat renouvelé ou non-renouvelé, le point de départ de la prescription de deux ans se rapproche sensiblement de la date du refus de renouvellement, événement qui va être souvent l’élément déclencheur de la réaction du locataire aux fins de demander la requalification de sa convention précaire.

Une fois la prescription écartée, reste cependant à disposer d’un motif de requalification.

Ce point fera par conséquent l’objet d’un prochain article à venir.