Offre de renouvellement du bail assortie de nouvelles conditions et requalification

Cet arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 2024 (Civ. 3e, FS-B, n° 22-20.872) apporte un nouvel éclairage sur la notion de renouvellement de bail commercial tel que visé par l’article L 145-9 du Code de Commerce et sur ses conséquences juridiques, notamment lorsqu’un congé avec offre de renouvellement est délivré en étant assorti de nouvelles clauses et conditions.

En effet dans l’affaire soumise à l’appréciation de la Cour de Cassation, un bailleur avait délivré un congé avec offre de renouvellement du bail commercial à son locataire.

Cependant, cette offre incluait des modifications aux clauses et conditions du bail initial, soulevant la question de savoir si ces modifications pouvaient encore permettre de qualifier cette offre de « renouvellement » au sens juridique du terme.

Le locataire, estimant que le congé avec offre de renouvellement n’était pas véritablement un renouvellement mais un refus de renouvellement dissimulé, a revendiqué son droit à une indemnité d’éviction en assignant son bailleur en paiement d’une telle indemnité exigible en cas de refus de renouvellement.

La Cour d’Appel de BORDEAUX a cependant rejeté cette demande en considérant que « les termes du congé, inadaptés mais dénués d’ambiguité, ne permettent pas de retenir, comme l’a fait le tribunal, qu’il doit s’interpréter comme un congé sans offre de renouvellement alors qu’il exprime au contraire explicitement une offre de régularisation d’un nouveau bail » (Cour d’appel de Bordeaux, 21 juin 2022, 19/06161).

La Cour de Cassation va cependant censurer cette position par le présent Arrêt publié au bulletin, témoignant ainsi de l’importance qui lui est donné.

Une offre de renouvellement assortie de nouvelles conditions n’est pas un renouvellement

La Cour de cassation, en visant l’article 1103 du Code civil, qui consacre la force obligatoire du contrat, ainsi que les articles L. 145-8 et L. 145-9 du Code de commerce relatifs au droit au renouvellement et aux modalités du congé, a pris une position claire mais classique.

Elle a jugé que lorsqu’un congé avec offre de renouvellement propose des modifications même secondaires aux termes du bail expiré, il ne s’agit plus d’un renouvellement véritable, mais d’un congé avec refus de renouvellement.

Pour se faire la Cour de Cassation a pris soin de préciser ce que signifie à son sens le renouvellement d’un contrat qui implique selon elle une identité parfaite entre les deux actes.

Dans le cadre du bail commercial, la seule modification possible résultant de la loi porte sur le prix du bail dont la négociation reste réservée.

La Cour a donc procédé à une requalification de l’acte qui lui était soumis. Elle a affirmé que le congé, bien qu’accompagné d’une offre de renouvellement, ne respectait pas l’essence et l’esprit de la procédure de renouvellement, qui suppose le maintien à l’identique des conditions précédentes, sous la réserve du montant du loyer.

Par conséquent, le locataire est en droit de percevoir une indemnité d’éviction, car le bailleur, en introduisant de nouvelles conditions au bail à renouveler, a en réalité refusé le renouvellement tel que prévu par la législation des baux commerciaux.

Une offre de renouvellement assortie de nouvelles conditions encoure la requalification

Cet arrêt renforce la protection des locataires en rappelant que le renouvellement d’un bail commercial ne doit pas être un moyen pour le bailleur d’imposer de nouvelles conditions défavorables au locataire sous couvert de poursuite du contrat.

Les bailleurs doivent ainsi être particulièrement vigilants lorsqu’ils rédigent des congés avec offre de renouvellement, en s’assurant que les conditions proposées ne dénaturent pas le contrat initial, sous peine de voir leur acte requalifié en refus de renouvellement ouvrant la voie au paiement d’une indemnité d’éviction.

Cette décision a également des répercussions importantes sur les relations entre bailleurs et locataires, en mettant l’accent sur le respect de la continuité contractuelle et en dissuadant les pratiques abusives de modification unilatérale des conditions du bail. Les avocats saisis de tels questions devront donc adapter leur pratique à cette jurisprudence pour éviter des litiges coûteux et le paiement d’indemnités d’éviction.

Ains si le bailleur souhaite modifier des éléments du bail expiré et éviter tout risque de requalification, il devra le faire impérativement dans le cadre de négociations parallèles ( notamment par des pourparlers confidentiels entre avocats) avant de procéder le cas échéant au renouvellement formel du bail.