Le Code de la propriété intellectuelle met en oeuvre une procédure originale visant à établir la preuve d’actes de contrefaçon : la saisie-contrefaçon.
Cette procédure spécifique permet à un détenteur de droits de propriété intellectuelle de se faire autoriser par un juge, de façon non-contradictoire, à procéder à une saisie de pièces contrefaites et de documents divers afin d’établir les actes de contrefaçon allégués.
Cette procédure constitue un moyen très efficace de faire respecter ses droits de propriété intellectuelle et d’évaluer le préjudice subi en présence d’actes de contrefaçon.
Le succès de l’action en contrefaçon qui en découle dépendra, pour l’essentiel, des preuves que la saisie-contrefaçon aura permis de constituer afin de démontrer la consistance et l’ampleur des actes de contrefaçon.
Modifiée à deux reprises depuis 2007, le régime de la saisie-contrefaçon a fait l’objet de quelques arrêts récents de la Chambre Commerciale rendus en 2016.
Une voie privilégiée : l’action en saisie-contrefaçon
Bien que la victime d’actes de contrefaçon puisse prouver l’atteinte portée à ses droits par tous moyens ( constats d’huissier sur un site internet, preuves d’achat, expertise judiciaire, etc….) la reine des preuves reste néanmoins la procédure de saisie-contrefaçon codifiée par la loi du 29 octobre 2007 ( n°2007-1544) dite de lutte contre la contrefaçon qui permet de faire établir par un huissier, autorisé par un juge, le périmètre de la contrefaçon ( matérialité, étendue et origine) ainsi que les préjudices subis par la victime.
Cette loi a été ensuite complétée par la loi du 11 mars 2014 visant également la répression de la contrefaçon.
S’agissant d’une intrusion violente et non-contradictoire dans une entreprise concurrente, son périmètre et les garanties procédurales qui l’accompagnent sont strictement encadrés afin d’éviter les abus mais également le détournement d’une telle procédure en vue de s’approprier des informations sur une entreprise concurrente.
La légitimité de cette saisie est, de fait, fréquemment contestée car cette procédure peut conduire à des errements ou une instrumentalisation auxquels les magistrats sont particulièrement attentifs.
Abus dans les opérations de saisie-contrefaçon
L’arrêt de la Cour de cassation du 12 février 2013 est une illustration des abus auxquels peut conduire l’utilisation d’une telle procédure.
Pour la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, doit par conséquent être condamné au paiement de dommages-intérêts à hauteur de 100.000 euros pour abus dans la procédure de contrefaçon, le demandeur qui excède l’autorisation donnée par le Tribunal et pose différentes questions relatives aux procédés de fabrication appartenant à l’entreprise saisie.
Pour la Cour de Cassation, le demandeur a commis une faute, réparable à hauteur de 100.000 euros au profit de la société saisie dans la mesure où la saisie-contrefaçon lui a permis de se procurer de façon illégitime et non autorisée « des informations sur les procédés de fabrication d’un concurrent direct à l’occasion des questions posées par l’huissier ».
Brièveté du délai d’action au fond après saisie-contrefaçon
Le régime procédural des actions en contrefaçon est soumis à de brefs délais qui ont été harmonisés entre les différents droits de propriété intellectuelle.
Dès que la saisie-contrefaçon a eu lieu, le demandeur qui se plaint d’être victime d’une contrefaçon a l’obligation d’engager une procédure « au fond » dans un bref délai fixé par le Code de la Propriété Intellectuelle :
- vingt jours ouvrables ou trente et un jours civils si ce délai est plus long, à partir de la date de la saisie.
- Le délai est identique pour les contrefaçons de droits d’auteur, de logiciels ou bases de données, de marques, brevets ou dessins et modèles, ce qui n’était pas tout à fait le cas auparavant.
Mais surtout la sanction du défaut d’introduction d’une procédure « au fond » dans les délais de procédure impartis est dorénavant uniformément la nullité. C’est ce principe qui est notamment rappelé par la Cour de Cassation en matière de droit d’auteur.
En effet, alors que dans les saisies-contrefaçon en matière de droit d’auteur antérieures à l’entrée en vigueur de la loi du 2014, la mainlevée des opérations de saisie-contrefaçon pour défaut d’introduction d’une procédure au fond était une simple faculté, l’annulation des opérations de saisie-contrefaçon est aujourd’hui de plein droit, même sans préjudice et sous réserve des dommages-intérêts qui pourraient alors être demandés.
Coexistence de l’action en contrefaçon et en concurrence déloyale
Il est difficile de cumuler action en contrefaçon et action en concurrence déloyale.
Dès lors que l’action en contrefaçon est ouverte à un demandeur car il dispose de droits de propriété intellectuelle privatifs, la voie de l’action en concurrence déloyale lui est fermée s’il ne s’appuie pas sur des faits distincts pour chacune des deux actions.
Cette jurisprudence est constante avec cependant un bémol apporté le 7 juin 2016 par la Cour de Cassation.
En effet, dès lors que le demandeur ne peut se prévaloir d’aucun droit privatif, l’action en concurrence déloyale lui est ouverte, et il importe peu que ce demandeur ai fondé son action sur des faits identiques qu’il avait en premier lieu qualifiés de contrefaçon.
Nadia TIGZIM
Avocat en droit des affaires