Les trois particularités de la caution du dirigeant de société

Si en principe le patrimoine d’une société est distinct de celui de son dirigeant, en pratique il en est autrement. En effet, les banques ont pour usage d’exiger la caution du dirigeant de société sur ses biens personnels pour garantir les prêts de son entreprise. Ainsi, afin qu’une société puisse obtenir des prêts, le dirigeant doit accepter de garantir avec son patrimoine propre le remboursement avec le mécanisme du cautionnement.

Qu’est ce que le cautionnement ? Le cautionnement est le contrat par lequel une personne appelée « caution », garantie l’exécution des obligations d’un débiteur qui ne le ferait pas, ce qui signifie que le dirigeant qui se porte caution devra payer sur son patrimoine personnel les prêts que sa société ne paierait pas. Le cautionnement d’un prêt par un dirigeant pour sa société est le même contrat que le cautionnement d’une personne lambda mais la position particulière du dirigeant crée des différences dans l’application avec un cautionnement lambda.

La caution du dirigeant de société obéit ainsi aux mêmes règles de forme et de fond, à respecter sous peine de nullité :

  • Un consentement éclairé, sans dol, violence ou erreur.
  • La mention manuscrite : « En me portant caution de X, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n’y satisfait pas lui-même. », qui doit être suivie par la signature de la caution », obligatoirement suivie par la signature de la caution.

La caution du dirigeant de société bénéficie également, des mêmes droits et protections qu’une caution souscrite par n’importe quelle personne physique : le bénéfice de discussion et le bénéfice de division sauf renonciation exprès ou cautionnement solidaire. Elle est également soumise au même régime de prescription.

Cependant, le dirigeant qui souscrit un cautionnement doit porter attention à̀ certaines particularités liées aux différences que lui donne son statut : sa qualité́ de caution avertie.

En effet, le dirigeant d’une entreprise qui garantit un prêt pour cette dernière, est réputé́ connaître la situation économique du débiteur qu’il garantit, de ce fait, la jurisprudence se montre plus sévère à l’égard de la caution-dirigeant.

Le statut de caution avertie, emporte donc principalement trois conséquences pratiques, d’une part en matière de demande de nullité́ du cautionnement pour réticence dolosive, d’autre part en matière de disproportion du patrimoine par rapport à̀ la dette garantie, enfin en matière de procédures collectives.

Caution avertie et devoir de mise en garde des banques

La nullité́ d’un cautionnement peut être demandée en cas de vice de consentement, mais elle n’aboutit que rarement si elle est fondée sur l’erreur ou la violence. En matière de cautionnement, la nullité́ est plus aisée à obtenir en cas de dol et particulièrement de réticence dolosive.

En effet, le créancier, souvent une banque, est tenu d’informer la caution et de lui fournir tous les éléments pouvant influer sur son consentement, cependant, cette obligation de mise en garde et d’information est plus légère envers la caution-dirigeant qui est réputée être une caution avertie.

Cette obligation de mise en garde avait été́ cristallisée par un arrêt de la chambre mixte de la Cour de cassation du 29 juin 2007, selon lequel le créancier, en occurrence la banque est tenue de s’informer sur la capacité́ financière et la situation personnelle de l’emprunteur « non-averti », ainsi que de son risque de surendettement.

En outre, il s’agissait jusque là d’une présomption simple, ainsi c’était à la caution d’apporter la preuve de son ignorance de la situation réelle de l’entreprise et démontrer qu’elle n’est pas une caution avertie

Seulement, dans un arrêt du 22 mars 2016, la Cour de cassation a assouplie sa position envers le dirigeant-caution et a rejeté le raisonnement des juges du fond qui affirmaient que la qualité de caution avertie se déduisait automatiquement de la qualité de dirigeant et associé d’une société débitrice. Désormais, il n’y a donc plus de présomption quant à la qualité de caution avertie.

C’est désormais à la banque de démontrer que la caution-dirigeant est avertie.

La qualité de caution avertie importe cependant peu pour l’appréciation de la disproportion du patrimoine de la caution avec la dette garantie, en effet, bien que propre en pratique aux dirigeants de sociétés, elle est sanctionné indifféremment de la notion de « caution avertie».

Des restrictions peuvent donc y être apportées.

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