Clause d’exclusivité à la charge du salarié

Un arrêt rendu le 6 mai 2015 par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a donné l’occasion de faire un point sur la clause d’exclusivité à la charge du salarié. Cette clause, spécifiquement insérée dans le contrat de travail, permet à l’employeur d’interdire au salarié, d’exercer, pendant l’exécution de son contrat de travail, une autre activité professionnelle rémunérée. En cas d’infraction, celui-ci serait fondé à diligenter une procédure de licenciement.

Cette clause doit néanmoins être employée avec discernement sous peine de la voir écartée par le Conseil de Prud’hommes. L’arrêt du 6 mai 2015, ici rapporté, est venu le rappeler.

La clause d’exclusivité, est en effet le « pendant » écrit de l’obligation générale de loyauté inhérente au contrat de travail. Elle permet ainsi d’interdire aux salariés l’exercice de toute autre activité, pendant l’exécution du contrat de travail, sous peine de s’exposer à un licenciement pour faute grave.

S’opposant de front au principe de la liberté du travail inséré à l’article L 1121-1 du Code du Travail, elle ne doit cependant pas avoir pour effet d’interdire au salarié de travailler et doit par conséquent obéir à une motivation et une utilité qui justifient une telle restriction à la liberté du travail.

La jurisprudence ne valide par conséquent de telles clauses qu’en présence de trois conditions cumulatives posées par un arrêt du 11 juillet 2000 :

  • La clause est nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise,
  • Elle est proportionnée au but recherché,
  • Elle est justifiée par la nature de la tâche que devra accomplir le salarié.

Clause d’exclusivité et travail à temps partiel

Fidèle à sa jurisprudence, la Chambre sociale a ainsi privé d’effectivité comme contrevenant à la liberté du travail des clauses d’exclusivité qui n’étaient en réalité pas du tout nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l’employeur.

La Chambre Sociale considère notamment depuis très longtemps qu’une clause d’exclusivité ne peut être imposée à un salarié travaillant à temps partiel.

Aucun intérêt légitime ne permet une telle restriction à la liberté du travail. Le salarié n’est même pas tenu d’informer son employeur de son autre activité et encore moins de lui en demander l’autorisation.

Dans cette hypothèse le cumul d’emploi est permis sous réserve cependant que les durées maximales de travail soient respectées.

Clause d’exclusivité et congé pour création d’entreprise

Aucune restriction possible sous réserve cependant que l’activité ne soit pas concurrentielle de celle de l’employeur bénéficiaire de la clause d’exclusivité.

Clause d’exclusivité et travail à temps complet

Trois situations sont à distinguer :

  • Le salarié qui travaille à temps complet ne peut se voir opposer une clause d’exclusivité afin de justifier un licenciement pour faute grave des lors qu’il n’occupe son deuxième emploi que dans un secteur différent et non concurrentiel de celui de son premier employeur. La clause d’exclusivité qui lui est opposée ne remplit pas la condition de légitimité et de nécessité posée par l’arrêt du 11 Juillet 2000. Un tel scénario pourrait cependant justifier un licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.

En effet, dans l’affaire citée, le licenciement avait été validé par le Conseil de Prud’hommes pour cause réelle et sérieuse mais la faute grave avait été écartée. La Chambre sociale avait validée cette analyse en écartant l’argument de l’avocat de l’employeur qui critiquait une telle décision en indiquant qu’une infraction à une obligation contractuelle ( en l’occurrence une obligation d’exclusivité) était forcément constitutive d’une faute grave.

  • Le salarié qui travaillait à temps complet peut également occuper un deuxième emploi MEME dans une entreprise CONCURRENTE durant son préavis dont il a été dispensé des lors qu’il n’est pas ou plus soumis à une clause de non concurrence levée par l’employeur (Cour de cassation, chambre sociale, 6 mai 2015, n° 14-11001), et ce, en dépit de l’argument avancé par l’avocat de l’employeur selon lequel l’obligation de loyauté persistait durant le préavis non exécuté.

Les employeurs doivent donc être raisonnables dans l’insertion de clauses d’exclusivité dans leurs contrats de travail sous peine de la voir arbitrée par le Conseil de Prud’hommes.

Néanmoins, même s’il n’existe pas de clause spécifique dans le contrat, le salarié reste toujours tenu d’une obligation générale de loyauté envers son employeur. Tout abus de sa part pourra être sanctionné par le biais de cette obligation inhérente au contrat de travail.

Nadia TIGZIM
Avocat en droit du travail