Une démission équivoque peut permettre de revenir sur la rupture du contrat de travail et surtout permettre sa requalification en licenciement.
En effet, la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Une démission équivoque démontre que le salarié n’avait pas réellement voulu rompre le contrat de travail.
Démission équivoque non retenue
Selon un arrêt de rejet de la Chambre sociale de la Cour de cassation rendu le 15/05/2012, le salarié ne peut cependant revenir sur son acte que s’il justifie n’avoir pas clairement exprimé sa volonté de rompre le contrat ou si elle a été obtenue de manière abusive.
En l’espèce, une telle exigence n’a pas été jugée satisfaite devant le constat, d’une part, que le salarié avait signé une lettre faisant état de sa démission, datée du 18 septembre, remise devant ses collègues à l’employeur le 27 septembre, en confirmant publiquement son projet de poursuivre une autre activité professionnelle, et d’autre part, que le salarié n’était plus revenu travailler à partir du 28 septembre.
Dans un premier arrêt rendu le 24 avril 2013, le caractère équivoque de la démission n’a pas non plus été retenue.
Dans cette affaire, une salariée avait démissionné par un courrier adressé à son employeur. Dès le lendemain, elle a formulé des reproches à son égard, se plaignant de la difficulté de ses nouvelles fonctions et de l’absence de formation, reproches qu’elle a réitérés quelques jours plus tard.
La Cour d’appel a estimé que la démission de la salariée était dépourvue du caractère clair et non équivoque nécessaire pour lui donner son plein effet. Elle a donc condamné l’employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cependant, la chambre sociale de la Cour de cassation a censuré l’arrêt : elle reprochait à la Cour d’appel de ne pas avoir constaté « que la salariée remettait en cause sa démission en raison de faits ou de manquements imputables à l’employeur, qu’il résultait de circonstances antérieures ou contemporaines à la démission qu’à la date où elle avait été donnée celle-ci était équivoque et que les faits invoqués la justifiaient ».
Il semble que la Cour de cassation souhaite que les juges vérifient la gravité des faits invoqués par la salariée et le lien de causalité avec la démission pour que les faits soient imputables à l’employeur.
Démission équivoque retenue
Dans un second arrêt rendu le même le caractère équivoque de la démission a bien été retenu.
Dans cette affaire et suite à la perte d’un marché, des contrats de travail n’ont pas été transférés de plein droit à la société qui poursuivait le marché. Certains salariés ont donc cessé de travailler et ont conclu un contrat de travail avec une nouvelle entreprise, ce qui a poussé leur ancien employeur à les licencier pour faute grave.
La Cour d’appel de Bordeaux avait estimé que les démissions étaient équivoques car le fait que les salariés se soient engagés auprès d’une autre société ne pouvait constituer une démission. D’autre part, les juges du fond ont sanctionné l’employeur qui n’avait pas donné d’indications aux salariés « ni sur leur futur professionnel au lendemain des fêtes de fin d’année, ni sur la conduite à suivre ».
Dès lors, les salariés n’avaient pas manifesté une volonté claire et non équivoque de démissionner. Les démissions devaient donc être requalifiées en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation, Chambre sociale, valide l’argumentation de la Cour d’appel et rejette le pourvoi.
Conclure un contrat chez un concurrent, lorsque l’employeur ne donne pas d’indications claires sur la poursuite du contrat, n’entraîne donc pas la manifestation d’une volonté claire et non équivoque de démissionner.
Nadia TIGZIM
Avocat en droit du travail