Clause de non-concurrence : conditions et indemnisation

Une entreprise peut, sous réserve d’une contrepartie financière, insérer une clause de non-concurrence dans le contrat de travail de ses salariés dans le but de protéger ses intérêts lors de leur départ. Elle est le pendant de la clause d’exclusivité qui a vocation à s’appliquer au cours de l’exercice du contrat de travail.

Cette clause ayant pour effet de limiter le libre exercice d’une activité professionnelle, doit notamment être limitée dans le temps et l’espace pour être considérée comme valable. Elle doit également être dotée d’une contrepartie financière non dérisoire.

La jurisprudence de la Cour de Cassation a entrepris depuis plusieurs années de réglementer le régime de cette clause. L’année 2016 a par conséquent donné lieu à quelques arrêts précisant les conditions d’application et d’indemnisation de la dite clause.

Clause de non concurrence et limite dans le temps et l’espace

Les conditions de validité cumulatives de la clause de non-concurrence actuellement en vigueur ont été posées par un arrêt du 10 juillet 2002 et sont les suivantes :

  • être absolument indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise,
  • verser une contrepartie financière, dont l’employeur ne sera pas redevable s’il renonce à la clause.
  • être limitée dans le temps et dans l’espace afin de ne pas empêcher le salarié de travailler selon sa qualification et son expérience professionnelle après son départ.

Concernant ce dernier point, le souci de préserver la liberté du salarié de travailler va motiver les Conseils de Prud’hommes dans leurs décisions d’annuler ou valider une clause de non concurrence : l’arrêt du 31 mars 2016 rapporté ici est particulièrement intéressant car dans cette affaire il s’agissait de valider ou pas une clause de non-concurrence dont le champ d’application portait sur l’intégralité du territoire de la Corse obligeant le salarié à déménager pour pouvoir exercer son métier.

La cour d’appel avait alors estimé, comme l’avait soutenu l’avocat du salarié, qu’interdire d’exercer une activité professionnelle sur l’ensemble du territoire de la Corse portait une atteinte excessive à la liberté du travail et portait également atteinte à la vie personnelle et familiale du salarié.

La Chambre sociale de la Cour de cassation a cependant considéré le contraire dans un arrêt du 31 mars 2016 en faisant observer que la clause de non concurrence limitée au territoire de la Corse pour une durée d’un an, était dotée d’une indemnité financière conséquente qui en permettait donc la validation.

Clause de non-concurrence et contrepartie financière

Dans l’arrêt précité du 10 juillet 2002, la Chambre sociale de la Cour de cassation avait considéré comme illicite une clause de non-concurrence qui ne comportait aucune contrepartie financière. Dans un second arrêt en date du 15 novembre 2006, la Chambre Sociale était venu préciser, qu’une clause de non concurrence contenant une contrepartie financière dérisoire était également considérée comme une absence de contrepartie.

Deux arrêts rendus en 2016 ont également apporté des précisions sur l’articulation entre contrepartie financière de la clause de non-concurrence et convention collective.

Dans une première affaire ayant donné lieu à un arrêt du 28 janvier 2016, un salarié avait saisi le Conseil de Prud’hommes en faisant valoir que la contrepartie de clause de non-concurrence à laquelle il était soumis était inférieure aux directives de la Convention Collective, sans que son avocat n’ai cependant invoqué le caractère dérisoire de cette contrepartie. La Chambre Sociale de la Cour de Cassation a alors considéré, que dès lors que le montant dérisoire de la contrepartie financière n’était pas invoqué,  une clause de non concurrence prévoyant un montant moins important que la contrepartie financière déterminée dans la convention collective applicable à ce même contrat restait applicable.

Dans la seconde affaire soumise à la Cour, le montant de la contrepartie financière de la clause de non concurrence avait été calqué sur le montant prévu dans la convention collective applicable au contrat de travail du salarié de l’entreprise. Le respect des termes de la convention collective n’a cependant pas empêché la Chambre sociale de la Cour de cassation de rejeter les prétentions de l’entreprise qui considérait la clause de non concurrence comme valable.

En effet la clause de non concurrence prévoyait une indemnité différente selon que la rupture du contrat de travail soit à l’initiative du salarié ou de son employeur. Condamné par le Conseil de Prud’hommes et la Cour d’Appel, l’employeur avait porté le litige devant la Cour de Cassation, son avocat faisant valoir que cette clause était parfaitement conforme à la Convention Collective applicable.

En dépit de cette conformité, la Cour de Cassation a pourtant considéré que la minoration d’une contrepartie financière de la clause de non concurrence en cas de démission devait être réputée non écrite et être considérée comme contraire au principe de libre exercice d’une activité professionnelle.

Clause de non-concurrence et indemnisation d’une clause illicite

Une clause de non-concurrence illicite conduira nécessairement à son annulation, mais il convient de s’interroger sur le préjudice qui pourrait en résulter pour le salarié.

La jurisprudence de la Chambre sociale de la cour de cassation avait initialement considéré dans un arrêt du 12 octobre 2005, que le non-respect d’une clause de non concurrence illicite par le salarié à la suite de la rupture de son contrat de travail, empêchait de caractériser le préjudice subi par ce dernier, et donc d’admettre une possible indemnisation. Puis en 2011, elle a décidé que la présence d’une clause nulle causait nécessairement un préjudice au salarié ouvrant droit à une indemnisation quasi systématique.

L’arrêt du 25 mai 2016 semble opérer un revirement de jurisprudence dans la mesure où la Chambre sociale de la Cour de cassation précise que l’évaluation du préjudice relève du pouvoir souverain des juges et qu’il est nécessaire pour le salarié de prouver le préjudice qu’il aurait subi en présence d’une clause de non-concurrence illicite.

Or dans cette affaire, aucun préjudice n’avait été démontré par le salarié qui avait en plus exercé après son licenciement l’activité professionnelle que la clause litigieuse lui empêchait d’exercer. Ayant quand même été indemnisé par le Conseil de Prud’hommes conformément à la jurisprudence de 2001, le salarié avait toutefois été débouté en Appel. Conformément à sa nouvelle jurisprudence écartant toute indemnisation systématique, la Chambre sociale a rejeté le pourvoi intenté par le salarié en relevant que la Cour d’Appel avait constaté que « le salarié n’avait subi aucun préjudice résultant de l’illicéité de la clause de non-concurrence ».

Nadia TIGZIM
Avocat en droit du travail