Du nouveau sur la requalification du CDD en CDI

Le Code du Travail permet au juge, dans certains cas et à la demande du salarié, de prononcer la requalification du CDD (contrat à durée déterminée) en CDI (contrat à durée indéterminée).

Cette procédure est une sanction prévue par le Code du Travail à l’article L 122-3-13 visant à rappeler et à réaffirmer que le recours au CDD par l’employeur doit garder son caractère exceptionnel dans la mesure où le contrat de travail « naturel » du salarié est le CDI.

Cette sanction est applicable dès lors que :

  • les motifs légitimes de recours au CDD sont inexistants (remplacement temporaire d’un salarié, accroissement temporaire d’activité, CDD d’usage),
  • il existe des irrégularités lors du renouvellement ou de la poursuite d’un CDD,
  • il n’existe pas de contrat écrit ou celui-ci est irrégulier (mentions portant sur le motif de recours au CDD, absence de signature du salarié, absence de date de fin du CDD, absence de mentions sur la durée minimale d’emploi, absence du nom du salarié remplacé etc…),
  • la durée maximale de recours à un CDD a été dépassée.

En cas de requalification du CDD en CDI, l’échéance du terme pour lequel était conclu le CDD est analysé en licenciement, mode de rupture spécifique aux CDI et entraîne les conséquences financières relatives au contrat à durée indéterminée.

Dans un sens extrêmement favorable au salarié, une décision rendue le 3 mai 2016 par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation est venue apporter une précision sur le calcul de l’ancienneté du salarié à retenir en cas de succession non continue de CDD requalifiés.

L’effet de cette jurisprudence doit cependant être atténué dans la mesure où elle n’a pas remis en cause les effets de l’indisponibilité du salarié entre deux CDD requalifiés tels qu’ils ont notamment été tranchés par un arrêt précédent du 13 avril 2016 à mettre en parallèle ;

Ancienneté et requalification du CDD en CDI

Dans l’affaire tranchée le 3 mai 2016, la Chambre Sociale, a une nouvelle fois réaffirmé sa jurisprudence selon laquelle en cas de requalification du contrat à durée déterminée en CDI, le CDI est considéré avoir été conclu dès le premier CDD requalifié.

Le salarié peut donc se prévaloir d’une ancienneté remontant à cette date pour le calcul de ses droits même si la succession de CDD n’a pas été continue et que le salarié n’a pas toujours été à la disposition de l’employeur dans cet intervalle.

Cette position est d’autant plus remarquable que dans l’hypothèse qui lui était soumise, il était établi que le salarié, indisponible, n’avait pas été à la disposition de son employeur pendant près de deux ans entre deux CDD requalifiés !! La Cour d’Appel de Versailles avait donné raison à l’employeur qui avait exclu du calcul de l’ancienneté les périodes d’indisponibilité du salarié.

Saisie sur pourvoi de l’avocat du salarié, la Cour de Cassation lui donne raison et inclut dans le calcul de l’ancienneté les périodes d’indisponibilité du salarié en faisant remarquer que « par l’effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié était réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier et qu’il était en droit de se prévaloir à ce titre d’une ancienneté remontant à cette date »

La sanction est sévère mais peut cependant être atténuée par la prise en compte partielle des périodes d’indisponibilité du salarié dans le calcul des rappels de salaire.

Incidence des périodes d’indisponibilité du salarié

En effet, si les périodes d’indisponibilité du salarié sont indifférentes pour l’appréciation de son ancienneté et des droits qui en découlent, la preuve que le salarié était à la disposition de son employeur entre deux CDD discontinus redevient déterminante dans l’hypothèse d’une demande de rappel de salaire consécutive à une requalification du CDD en CDI.

Le salarié ne pourra alors demander le rappel des salaires qui auraient du lui être versés entre deux CDD requalifiés que dans l’hypothèse où il démontre s’être constamment tenu à la disposition de son employeur même s’il n’a pas travaillé effectivement pour lui.

L’arrêt du 3 mai 2016 rapporté ci-dessus ne porte en effet que sur l’ancienneté et n’a pas remis en cause celui du 13 avril 2016 rendu par la même Chambre ayant décidé que « le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail »

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