Recours au CDD de remplacement d’un salarié absent

Recours au contrat à durée déterminée en vue de remplacer un salarié absent

Aux termes de l’alinéa 2 de l’article L. 1242-7 du Code du travail, lorsqu’un CDD (contrat à durée déterminée) est conclu pour remplacer un salarié absent, le contrat peut ne pas comporter de terme précis : il sera prévu que le CDD de remplacement prendra fin au retour du salarié.

Qu’en est-il lorsque l’absence du salarié se prolonge pour un motif différent de la raison initiale?

Dans un arrêt en date du 10 avril 2013 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation, une salarié a été engagée par plusieurs CDD, sans terme précis, pour le remplacement provisoire d’une collègue en congé parental d’éducation. Le dernier contrat stipulait que «si le contrat se prolongeait au-delà de cette durée minimale, il aurait pour terme, en tout état de cause, le retour de la collègue remplacée de son congé parental d’éducation ».

Or la salariée remplacée avait, à la fin de son congé parental, pris un congé sabbatique. Malgré ce prolongement de l’absence de la salariée, l’employeur avait mis fin au CDD de remplacement de la salariée au motif que le congé parental initial de la salariée remplacée avait pris fin. La salariée titulaire du contrat de travail à durée déterminée  avait alors saisi le Conseil de Prud’hommes en invoquant une rupture anticipée abusive du contrat à durée déterminée de remplacement. La Cour d’appel de Pau avait accueilli sa demande dans son arrêt du 1er décembre 2011.

L’employeur s’est alors pourvu en cassation. Son avocat invoquait le fait qu’un CDD, conclu pour assurer le remplacement d’un salarié absent jusqu’à l’issue de son congé parental, a pour terme la fin du congé parental, peu important que la salariée remplacée ne réintègre pas l’entreprise pour cause de congé sabbatique pris au terme du congé parental.

Cependant, la chambre sociale contredit cette analyse en relevant qu’ayant pour terme le retour de la salariée absente du fait de son congé parental, le contrat à durée déterminée «devait se poursuivre à l’expiration de ce congé en raison de la prolongation de l’absence de cette salariée, fût-ce à un autre titre».

Par conséquent, un CDD conclu pour le remplacement d’un salarié doit se poursuivre en cas de prolongation de son absence, même pour une raison autre.

Un bémol cependant : cette décision s’explique également par le fait que le CDD de remplacement de la salariée mentionnait que le terme du contrat était le retour du salarié, et non la fin du congé parental d’éducation. Si cette précision avait été portée dans le CDD de la salariée, il est fort possible que l’argument invoqué par l’avocat à la Cour de Cassation de l’employeur aurait été retenu.

Charge de la preuve de la réalité du motif du recours au CDD

C’est à l’employeur de prouver la réalité du motif du recours au CDD de remplacement ainsi que l’a précisé la Cour de Cassation dans un arrêt du 15 septembre 2010 qui avait tranché le cas d’une salariée engagée pour une période déterminée en vue de remplacer un salarié en congés annuels. Par la suite, l’employeur conclut avec elle dix autres CDD pour remplacer d’autres salariés absents soit pour congés, soit pour maladie. Une fois, tous les remplacements effectués, la relation de travail se termine.

La salariée saisit alors le Conseil de Prud’hommes (CPH) en vue de faire requalifier les 11 CDD signés au cours de la relation de travail en un seul CDI, son avocat contestant le motif du recours au CDD mentionné par l’employeur dans les différents contrats de la salariée en affirmant que les motifs invoqués étaient purement fictifs et mensongers. Toutefois la Cour d’Appel la déboute en estimant que l’article L. 1242-2 du code du travail n’oblige pas à mentionner dans le CDD le motif de l’absence du salarié remplacé, et qu’aucun élément n’avait été fourni par la salariée sur le caractère mensonger des mentions relatives au remplacement des salariés inscrits dans les CDD successifs.

La salariée se pourvoit alors en cassation. La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 15 septembre 2010, censure la position des juges du fond.

Elle affirme qu’en cas de litige sur les raisons du recours au CDD, c’est à l’employeur de faire la démonstration de l’existence et la légitimité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée et qu’en déboutant la salariée alors que l’employeur n’avait pas apporté cette preuve, la Cour d’Appel avait inversé la charge et par voie de conséquence le risque de la preuve.

Rappelons enfin qu’en vue d’éviter tous litiges sur les motifs et la preuve du recours au CDD, celui-ci doit obligatoirement faire l’objet d’un contrat écrit, l’omission de cette formalité entraînant la requalification en contrat de travail classique à durée indéterminée. Toutefois, par une décision en date du 24 mars 2010, la Chambre sociale a apporté un bémol à ce principe en refusant le bénéfice d’une requalification du CDD en CDI à un salarié qui avait délibérément refusé de signer son contrat de mission dans une intention frauduleuse.

Nadia TIGZIM
Avocat en droit du travail