Indemnité d’éviction : comment la fixer?

L’indemnité d’éviction, prévue à l’article L. 145-14 du Code de commerce, est l’indemnité à laquelle peut prétendre le preneur à un bail commercial dont le renouvellement est refusé ou le congé délivré par le bailleur. Elle vise à indemniser le preneur du préjudice résultant du non renouvellement de son bail.

Tout l’enjeu ici est de connaître le montant de ce préjudice. Pour ce faire, il convient préalablement de revenir sur la notion de fonds de commerce et sur l’importance que revêt pour lui, le droit au bail.

Par ailleurs, l’indemnité d’éviction comprend à titre principal, soit une indemnité de remplacement (si le fonds de commerce disparaît) soit une indemnité de déplacement (si le fonds de commerce est préservé) à laquelle viennent s’ajouter des indemnités accessoires qui peuvent se cumuler.

Sommaire :

  1. Le préjudice causé par le non-renouvellement du bail
  2. L’indemnité de remplacement ou de perte de fonds de commerce
  3. L’indemnité de déplacement ou de transfert
  4. Les indemnités accessoires
  5. Date d’évaluation
  6. Cas dans lesquels l’indemnité d’éviction n’est pas due

I – L’indemnité d’éviction est destinée à compenser le préjudice causé par le non-renouvellement du bail

Le bail commercial est souvent l’élément du fonds de commerce qui a le plus de valeur. Nécessairement la perte du droit au bail entraîne une diminution de la valeur du fonds de commerce. Parfois même, la perte du droit au bail entraîne la disparition du fonds de commerce si lors du changement de local, la clientèle n’a pas suivi l’exploitant. En effet, il ne peut exister de fonds de commerce sans clientèle et par conséquent, la perte de la clientèle entraîne la disparition du fonds de commerce.

Le préjudice résultant du non-renouvellement du bail peut donc consister en cette perte définitive et totale de la clientèle attachée au fonds de commerce, notamment s’il s’agissait d’une clientèle de proximité qui était attachée au lieu d’exploitation. Dans ce cas l’indemnité versée équivaudra à la valeur marchande du fonds de commerce afin de permettre au preneur d’acquérir un fonds de valeur identique. On parlera ici d’indemnité de remplacement ou de perte de fonds de commerce.

Ce préjudice peut également résulter simplement du coût supplémentaire de loyer que devra supporter le preneur, sans qu’il y ait perte totale et définitive de la clientèle. Ce préjudice donnera lieu à une indemnité de déplacement aussi appelée indemnité de transfert.

II – L’indemnité de remplacement ou de perte de fonds de commerce

L’indemnité de remplacement ou de perte de fonds de commerce a vocation à indemniser la valeur marchande du fonds de commerce disparu. Il n’existe pas de dispositions spéciales, ni de méthode particulière pour procéder à cette évaluation.

Cependant, dans la pratique on retrouve toujours les mêmes éléments pour déterminer le montant de l’indemnisation, qui rappelons-le, équivaut à la valeur marchande du fonds de commerce. Ces éléments sont :

  • Le résultat d’exploitation, c’est-à-dire le chiffre d’affaires réalisé par l’exploitant durant les 3 dernières années [arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, du 20 mars 2007]. Précision : pour calculer ce chiffre d’affaires, seules seront prises en compte les activités expressément visées par la clause de destination du bail.
  • La valeur du droit au bail du local loué [arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, 15 juillet 1971] : cette valeur dépend des caractéristiques du local et notamment de sa taille, du prestige de son lieu de situation, des modalités d’accès au local.

III – L’indemnité de déplacement ou de transfert

L’indemnité de déplacement va correspondre à la différence entre le montant du loyer que le locataire aurait payé en cas de renouvellement et le montant à payer pour le nouveau local. À cette différence, on va appliquer un coefficient prenant en compte la qualité de l’emplacement de l’ancien local et la nature de l’activité exercée par le preneur.

Les éléments ici utilisés pour déterminer la valeur de l’indemnité de déplacement sont donc :

  • Le coût du transfert du fonds, c’est-à-dire les conséquences de l’installation du locataire dans de nouveaux locaux
  • La valeur du droit au bail de l’ancien local
  • Le coût du pas-de-porte pour entrer dans le nouveau local [arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, 20 juin 1979]

En tout état de cause, l’indemnité est plafonnée à la valeur du remplacement du fonds de commerce. Autrement dit, si l’indemnité de déplacement excède le montant de l’indemnité de remplacement, le bailleur ne sera tenu d’indemniser qu’à hauteur de cette dernière.

L’évaluation de l’indemnité de remplacement ou de déplacement repose sur des critères divers et peut donc se révéler difficile et nécessiter le recours à un avocat spécialisé en la matière qui sera à même de vous conseiller sur la valeur du fonds de commerce et sur celle du droit au bail.

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