Sur les dommages-intérêts consécutifs à la nullité du bail commercial pour dol
En matière de responsabilité, il existe un principe bien connu, celui de la réparation intégrale : “les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit”. La Cour de cassation juge traditionnellement que « le juge apprécie souverainement le montant du préjudice, dont il justifie l’existence par la seule évaluation qu’il en fait, sans être tenu d’en préciser les divers éléments » (Cour de cassation, assemblée plénière, 26 mars 1999, pourvoi n° 95-20.640 ; 2ème Chambre civile, 21 avril 2005, pourvoi n° 04-06.023, Chambre commerciale, 24 mai 2017, pourvoi n° 15-21.179). Mais elle juge également que méconnaît son office le juge qui refuse d’évaluer un dommage dont il a constaté l’existence en son principe, c’est-à-dire sans rapport avec l’étendue du préjudice subi. (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 6 février 2002, pourvoi n° 00-10.543).
Dans l’arrêt commenté, en examinant le pourvoi principal de la bailleresse, la Cour de cassation a cassé et annulé la décision de la Cour d’appel, en appliquant le principe de la réparation intégrale rappelé précédemment. Ce principe limite donc les préjudices réparables. En l’occurrence, la Cour d’appel de Paris
Pour fixer le préjudice subi par la locataire à la somme de 130 000 euros, la Cour d’appel de Paris a pris en compte le prêt de 100 000 euros souscrit par la locataire, ayant pour objet de financer les dépenses afférentes aux travaux d’aménagement, d’amélioration et de réparation du fonds de commerce. Néanmoins, la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas rechercher, comme elle y était invitée, le montant des dépenses financées par le prêt. En prenant en compte l’intégralité du prêt, la Cour d’appel a violé le principe de la réparation intégrale.
Sur l’indemnité d’occupation des locaux loués consécutive à la nullité du bail commercial
En examinant le pourvoi incident de la locataire, la Cour de cassation a rappelé dans l’attendu de principe qu’il résulte de l’article 1304 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qu’en cas d’annulation d’un bail pour un motif étranger au comportement du preneur (locataire), l’indemnité d’occupation représente la contrepartie de la jouissance des lieux. Mais cette indemnité d’occupation n’est redevable que si le locataire a bénéficié de la jouissance de locaux conformes à leur destination contractuelle.
Dans l’arrêt commenté, pour condamner la locataire au paiement d’une indemnité d’occupation suite à l’annulation du bail commercial, la Cour d’appel de Paris a considéré qu’il importe peu que la locataire n’ait pu exploiter les locaux loués, la bailleresse ayant été privée de la jouissance de son bien jusqu’à la remise des clés. Malgré sa propre constatation du caractère impropre du local loué à la destination prévue par le contrat (activité traiteur, restaurant, bar), caractérisé par l’insuffisance du réseau d’évacuation des eaux usées, la Cour d’appel de Paris a quand même accordé à la bailleresse une indemnité d’occupation des lieux loués.
Cette décision a été, à juste titre, censurée par la Cour de cassation pour violation de la règle rappelée précédemment.
Le résumé de l’affaire en tableau
Nullité du bail | Montant des dommages-intérêts devant être versés à la locataire | Montant de l’indemnité d’occupation des locaux devant être versée à la bailleresse | |
Le tribunal de grande instance de Paris | Oui | 200 000 euros | Néant |
La Cour d’appel de Paris | Oui | 130 000 euros | 37 000 euros sur
106 764,38 euros demandés |
La Cour de cassation | Aucune demande | Cassation de la décision d’appel. L’affaire sera rejugée par la Cour d’appel de Paris autrement composée. | Cassation de la décision d’appel. L’affaire sera rejugée par la Cour d’appel de Paris autrement composée.
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