Retraite requalifiée en « prise d’acte »

Un départ à la retraite peut être requalifié en prise d’acte de la rupture si la lettre du salarié comporte notamment l’énonciation de griefs contre son employeur.

Dans un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 15 mai 2013, un VRP a notifié à son employeur son départ à la retraite par une lettre énonçant des griefs envers ce dernier, se plaignant notamment d’une modification unilatérale des taux de commissions par son employeur. Le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes d’une demande de requalification de cette rupture en une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de demandes en paiement des indemnités de rupture et de divers rappels de salaire.

La Cour d’appel a estimé que le départ à la retraite était équivoque et a accueilli la demande du salarié.

L’employeur se pourvoit en cassation, reprochant à l’arrêt d’appel d’avoir requalifié le départ à la retraite en prise d’acte de la rupture. Dans ses écritures, l’avocat de l’employeur affirmait que « le départ à la retraite d’un salarié est la manifestation de volonté par un salarié de quitter l’entreprise pour bénéficier d’une pension de vieillesse ; qu’il n’existe pas d’incompatibilité de principe entre cette volonté et l’existence d’un différend entre l’employeur et le salarié ».

La Cour de cassation rejette ce moyen du pourvoi en affirmant que « le départ à la retraite du salarié est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ».

Ainsi, lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de son départ à la retraite, remet en cause celui-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de son départ qu’à la date à laquelle il a été décidé, celui-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’un départ volontaire à la retraite.

En l’espèce, le départ à la retraite ayant eu lieu alors que des griefs du salarié contre son employeur subsistaient, la rupture s’analysait en une prise d’acte. Ayant constaté que l’employeur avait réduit unilatéralement le montant des avances sur commissions jusqu’alors appliqué, dans des conditions qui étaient de nature à faire obstacle à l’exécution de la mission du salarié, la cour d’appel a pu en déduire que le départ à la retraite s’analysait en une prise d’ acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Nadia TIGZIM
Avocat en droit du travail