La rupture brutale d’une relation commerciale établie est-elle toujours sanctionnée ?

La rupture brutale d’une relation commerciale établie est sanctionnée par l’ancien article L. 442-6, I, 5° devenu l’article L. 442-1, II du Code de commerce depuis l’ordonnance du 24 avril 2019 qui dispose que :

« II. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.

Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. »

Cet article pose un principe  (I) ainsi que des exceptions notamment rappelées par la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 16 mai 2019 (Pôle 5 – chambre 5 n° 17/04012)( (II)

I- Interdiction de la rupture brutale d’une relation commerciale établie en l’absence de préavis

L’interdiction posée par le texte susvisé concerne une situation particulière : il faut que les parties soient engagées dans une relation commerciale (1), qui était établie (2) et qui a été interrompue de manière brutale par l’une des parties sans préavis (3)

1-Existence d’une relation commerciale

La notion de relation commerciale est appréhendée de manière extensive par la jurisprudence. L’article susvisé s’applique à une variété de relations, lesquelles peuvent être contractuelles, délictuelles, précontractuelles ou post-contractuelles. En principe, le texte vise des relations qui ont un  caractère commercial et exclut toute activité civile, toute relation entre professionnels et consommateurs. Toutefois, la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 septembre 2010 a admis l’application de l’ancien article L.442-6 I 5° à un contrat conclu avec une société d’assurance mutuelles. Enfin, il est de jurisprudence constante  que cet article s’applique également aux relations d’affaires à durée déterminée ou indéterminée.

2-Existence d’une relation commerciale établie

La relation commerciale sera réputée établie en fonction de sa durée et de son intensité. La durée des relations s’apprécie différemment selon la nature de l’activité et le profil du cocontractant. L’intensité vise une relation suffisamment longue : c’est ainsi que la Cour d’appel de Versailles dans une décision rendue le 18 septembre 2008 (n°07/07891) a considéré qu’une opération ponctuelle n’était pas constitutive d’une relation établie.

3-Existence d’une rupture brutale sans préavis

En application du principe de liberté contractuelle, une relation commerciale peut être librement rompue. Pour autant, l’article L. 442-1 prohibe la rupture brutale ou partielle sans préavis d’une relation commerciale établie. Cette interdiction est sanctionnée par l’engagement de la responsabilité de son initiateur. Cela s’explique par la volonté de pérenniser les activités économiques des entreprises. En effet, la rupture brutale d’une relation durable peut mettre en péril de manière significative, l’activité d’une entreprise, justifiant ainsi la réparation du préjudice par son auteur.

Par conséquent, une rupture brutale n’est pas sanctionnée si un préavis écrit est respecté. Ce préavis doit tenir compte « notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels ».

La question de la durée du préavis a souvent fait l’objet de difficultés et les juges retiennent en principe plusieurs critères pour déterminer le préavis raisonnable notamment la nature de l’activité des parties, la qualité des relations commerciales, l’importance financière des relations. La durée du préavis est appréciée au moment où la décision de rupture est signifiée.

C’est en raison des problématiques liées à la durée du préavis que le législateur, au travers de l’ordonnance du 24 avril 2019, a introduit à l’article L. 442-1 du Code de commerce un plafond pour la durée de préavis : « En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois ».

C’est aussi une nouvelle cause d’exonération de responsabilité pour l’auteur de la rupture. A cet égard, la loi admet que la rupture puisse être brutale dans certaines hypothèses, ce qui signifie également que la responsabilité de l’auteur de la rupture ne sera pas engagée.

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