La rupture brutale d’une relation commerciale établie est-elle toujours sanctionnée ?

II- Exceptions au principe d’interdiction de la rupture brutale une relation commerciale établie en l’absence de préavis

A la lecture de l’article L. 442-1 du Code de commerce, la rupture brutale sans préavis n’engage pas la responsabilité de son auteur dans les hypothèses de la force majeure et de l’inexécution des obligations du cocontractant.

Ces deux hypothèses sont en principe les seules permettant, en l’absence de préavis, d’exonérer l’auteur de la rupture brutale (1). Pour autant, la Cour d’appel de Paris semble avoir dégagé une autre exception dans son arrêt rendu le 16 mai 2019. (2)

1-Rupture brutale justifiée par la force majeure ou l’inexecution contractuelle

Classiquement, la force majeure ou l’inexécution du contrat par l’autre partie sont deux causes qui permettent de justifier une rupture des relations commerciales établies, y compris si celle-ci est brutale.

La notion de force majeure requiert trois caractères cumulatifs à savoir l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité. Ce sont les caractères dégagés par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation dans un arrêt du 14 avril 2006.

L’inexécution des obligations peut être caractérisée par le comportement du cocontractant, si celui-ci est antérieur à la rupture. Il a été admis par la jurisprudence que, dans la situation où un détaillant ne respectait pas les échéances de paiement des précédentes factures des fournisseurs, l’absence de préavis était justifiée

2-Altération de la relation de confiance : une nouvelle exception à l’interdiction de rompre brutalement une relation commerciale sans préavis ?

En principe, la rupture sans préavis n’est admise que dans les hypothèses susvisées. Pour autant, dans la Cour d’appel de Paris, dans son arrêt rendu le 16 mai 2019 semble dégager une nouvelle exception.

Dans les faits, il s’agissait d’une société qui avait fait l’acquisition d’un fonds de commerce contenant des contrats de sous-traitance de transport avec une autre société. Les contrats se sont poursuivis mais par la suite, un désaccord sur la facturation des prestations est intervenu entre les parties. Le messager, qui a décidé de cesser ses prestations sur différents axes et qui en a informé préalablement son donneur d’ordre a, peu de temps après, résilié tous les contrats avec une prise d’effet quasi-immédiate.

Le donneur d’ordre a donc saisi le tribunal de commerce en demandant la réparation de la rupture brutale de la relation commerciale sur le fondement de l’article L. 442-6 I 5° du Code de commerce (ancien article). La juridiction de 1ère instance a déclaré l’action recevable mais considère que les demandes ne sont pas fondées.

La Cour d’appel a été saisie. Après analyse des circonstances de la rupture notamment le fait que :

  • le messager ait mis en cause son donneur d’ordre comme étant à l’origine de ses difficulté économiques ;
  • le donneur d’ordre ait invoqué la dégradation des prestations tenant à l’abandon de services sans préavis, à des défaillances dans l’exécution des transports (taux de service insuffisant, non-respect des délais de livraisons) et à la violation des dispositions légales ;

Les juges ont considéré que la relation de confiance entre les parties était altérée, ce qui autorisait le donneur d’ordre à interrompre la relation sans préavis.

Ainsi, en admettant que l’impossible maintien de la relation contractuelle lié à l’altération de confiance justifiait la rupture sans préavis, la Cour d’appel de Paris semble dégager une nouvelle dérogation au principe d’interdiction posé à l’article L. 442-1, II et, en d’autres termes, une nouvelle exonération de responsabilité pour l’auteur de la rupture en l’absence de préavis.

C’est une décision de principe jusqu’à ce qu’un pourvoi soit formé à l’encontre de celle-ci et que la Cour de cassation se prononce sur cette question.

Maître Nadia TIGZIM, avocate en droit commercial accompagne les chefs d’entreprises dans leurs relations avec leurs cocontractants et défend leurs intérêts en cas de rupture brutale des relations commerciales établies.

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Nadia TIGZIM
Avocat en droit des affaires