Clause d’objectifs et modification du contrat de travail

Le contrat de travail comporte des éléments essentiels communément appelés « socle contractuel »qui sont les suivants : rémunération fixe ou variable, temps de travail, lieu de travail et qualification de la fonction du salarié. La modification de l’un de ces éléments entraîne inévitablement la modification du contrat de travail et nécessite l’accord exprès du salarié.

Les autres éléments, moins essentiels, relèvent du pouvoir de direction de l’employeur et peuvent être modifiés (avec nuances) sans son accord.

Or, les litiges portés devant le Conseil de Prud’hommes sont à ce sujet fréquent, le contentieux le plus abondant portant sur la modification alléguée ou réelle de la rémunération du salarié sans son accord par le biais d’une clause d’objectifs. En effet, bien que toute modification de la rémunération soit soumise à l’accord préalable du salarié en raison de son inclusion dans le « socle contractuel », il reste possible pour l’employeur d’écarter ou de limiter cette exigence dès lors que le contrat de travail comporte une clause d’objectifs qui prévoit sous certaines conditions une rémunération variable du salarié.

Conditions de modification de la clause d’objectifs

Un arrêt de 1998 avait rappelé le principe du caractère essentiel de la rémunération du salarié précisant qu’à ce titre, « le mode de rémunération d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que l’employeur prétende que le nouveau mode serait plus avantageux »

Ni la structure de la rémunération ni un mode de calcul entraînant une augmentation du salaire du salarié, ne peuvent être envisagés sans son accord exprès. On ne peut en effet tirer du fait que le mode de rémunération soit plus avantageux, la conclusion que le salarié donnera nécessairement son accord et ne pas le requérir.

Or, la clause d’objectifs introduite dans le contrat de travail par les employeurs pour stimuler la productivité de leurs employés, peut avoir des conséquences sur la rémunération variable de ces derniers. Plusieurs arrêts de 2011, 2013 et 2016 ont fixé et rappelé les principes applicables à la validité d’une telle clause et au recueil du consentement du salarié.

Accord du salarié non requis en cas de simple modification des objectifs fixés par la clause

La clause d’objectifs est définie unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction et celui-ci peut donc la modifier dès lors qu’elle est réalisable et qu’elle a été portée à la connaissance du salarié en début d’exercice. Elle doit en outre être stipulée par écrit en étant soit intégrée au contrat de travail soit dans un avenant annexe.

A défaut, le licenciement prononcé au motif d’une insuffisance à la clause d’objectifs unilatéralement fixée n’est pas justifié.

C’est ce qu’il ressort d’un arrêt du 2 mars 2011 dans lequel un avenant avait été ajouté au contrat de travail d’un VRP, prévoyant une rémunération variable ajoutée à sa rémunération fixe en cas d’atteinte d’objectifs unilatéralement fixés par l’employeur dans le cadre d’un plan annuel de rémunération variable.

Le salarié se plaignait que cette clause affectait sa rémunération sans son accord : initialement débouté par le Conseil des Prud’Hommes, il avait ensuite saisi la Cour d’Appel qui lui avait donné raison en approuvant les arguments développés par l’avocat du salarié qui faisait valoir que si la fixation de la clause d’objectifs relevait bien du pouvoir de direction de l’employeur, la modification des objectifs aurait dû recueillir l’accord de son client en ce qu’elle avait pour conséquence directe de réduire sa rémunération variable.

Pour la Cour d’Appel il s’agissait donc d’une modification du contrat de travail du salarié réalisée sans son accord.

La Cour de cassation a cependant contredit la Cour en estimant dans son attendu « qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la modification des objectifs imposés au salarié et de son incidence sur sa rémunération, alors qu’elle avait constaté que l’avenant au contrat de travail stipulait que la détermination des objectifs conditionnant la rémunération variable du salarié relevait du pouvoir de direction de l’employeur, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés »

Il s’agit d’un arrêt essentiel dans la mesure où l’attendu de la Cour de Cassation relève effectivement, qu’une modification unilatérale des objectifs à l’initiative de l’employeur (prévu par contrat ou dans un avenant) est valable, même si cela emporte comme conséquence de modifier la rémunération variable du salarié.

L’accord du salarié n’est donc dans cette hypothèse pas requis. Des arrêts ultérieurs ont cependant précisé et limité ce principe en posant diverses conditions à la validité de la clause d’objectifs introduite dans la relation de travail sans accord du salarié.

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