Clause d’objectifs et modification du contrat de travail

Accord du salarié requis cas de modification de l’assiette des objectifs conditionnant la rémunération variable

Bien que l’accord du salarié ne soit pas nécessaire en cas de modification des objectifs du salarié, l’employeur ne faisant qu’user de son pouvoir de direction, son consentement est cependant de nouveau requis lorsque la modification de l’assiette et du mode de calcul de la clause d’objectifs entraîne une modification de la rémunération variable du salarié.

Deux arrêts de 2013 ont à cet effet complété et précisé celui de 2011 cité ci-avant. La modification de la clause d’objectifs nécessite à nouveau l’accord du salarié dès lors que la rémunération variable du salarié et l’application de la clause est affectée par :

Accord du salarié requis même en cas de suppression de la clause d’objectifs

Un dernier arrêt en date du 8 juin 2016 complète ce dispositif relatif à la clause d’objectifs avec toutefois des conséquences différentes.

Il s’agissait d’un salarié engagé en qualité de chef des ventes qui bénéficiait d’une rémunération fixe ainsi que d’une rémunération variable composée de diverses primes et notamment de primes d’objectifs contractuellement prévues. Suite à sa promotion et à l’augmentation conséquente de son salaire, ses primes d’objectifs avaient été supprimées. Après avoir été licencié, il saisit le Conseil de Prud’Hommes en exigeant un rappel de primes.

Dans cet arrêt la Cour de Cassation a considéré que la disparition de la rémunération variable du salarié par suppression de la clause d’objectifs entraînait une modification du contrat de travail et de ce fait nécessitait l’accord du salarié. Cet arrêt ne contredit pas celui du 2 mars 2011 précité, mais pose un cas de figure distinct. Dans le cas présenté, il y eu suppression d’une clause contractuelle sans l’accord du salarié, qui a inévitablement entraîné une modification unilatérale du contrat de travail.

Les objectifs n’ont pas été modifiés ( cas de 2011 ) mais tout simplement supprimés : il s’agit d’une modification de la rémunération qui ne relève pas du pouvoir de direction de l’employeur et requiert donc l’accord du salarié comme le relevait l’avocat du salarié.

Conséquence de la modification injustifiée de la clause d’objectifs

Lorsqu’un salarié considère que son contrat a été modifié unilatéralement par son employeur, il pourra invoquer l’article 1184 du Code civil afin de demander la résolution du contrat de travail aux torts de l’employeur. Il pourra alors bénéficier de dommages et intérêts, si le Conseil de Prud’hommes fait droit à sa demande.

Cependant un paramètre important, mis en exergue dans un arrêt du 15 mars 2005 (n° 03-42070) doit être relevé dans la mesure où pour la Cour de Cassation, les juges du fond ont le pouvoir d’apprécier si « l’inexécution de certaines des obligations résultant d’un contrat synallagmatique présente une gravité suffisante pour en justifier la résiliation »

Ce principe a été récemment rappelé par la Cour de cassation en matière de clause d’objectifs par un arrêt en date du 12 juin 2014.

Dans cette affaire, un salarié engagé en qualité de VRP s’était vu notifier par son employeur, une baisse de son taux de commission, traduisant ainsi une modification de sa rémunération, ce qui caractérisait, au regard des principes rappelés plus haut, une modification unilatérale de son contrat de travail.

La Cour d’appel n’a cependant pas fait droit à la demande du salarié dont l’avocat sollicitait de résilier son contrat de travail aux torts de son employeur, considérant que le manquement de ce dernier n’était pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite des relations de travail, ce qu’a également confirmé la Cour de cassation.

Il est important de préciser que cet arrêt n’opère pas un revirement jurisprudentiel, permettant aux employeurs de modifier unilatéralement le contrat de travail de leurs salariés.

La Cour d’Appel acquiescé par la Cour de Cassation a d’abord constaté qu’il y avait bien un manquement en raison de la modification unilatérale du contrat de travail, pour ensuite évaluer la gravité de ce manquement. Dans le cas où le manquement de l’employeur n’est pas d’une « gravité suffisante » il n’y aura donc pas nécessairement rupture du contrat de travail.

Nadia TIGZIM
Avocat en droit du travail