Résiliation judiciaire du contrat de travail à l’issue des arrêts de 2014 et 2015

La résiliation judiciaire du contrat de travail, construction juridique crée par la jurisprudence, est la faculté offerte au salarié de demander la rupture de son contrat, sur la base de l’article 1184 du Code civil, en arguant du fait que son employeur n’a pas satisfait à ses obligations contractuelles.

Ce mode de rupture a connu des ajustements jurisprudentiels au cours des deux dernières années, conduisant à une véritable rupture avec la jurisprudence antérieure, la Chambre sociale réservant dorénavant  ce mode de résiliation autonome aux cas les plus graves d’inexécution du contrat de travail, rapidement contestés par le salarié.

Résiliation judiciaire : mode autonome de rupture du contrat de travail

Le salarié qui fait état de manquements graves de son employeur à ses obligations issues du contrat de travail peut demander au Conseil des Prud’hommes de résilier son contrat. Cette possibilité n’est ouverte qu’au salarié et non à l’employeur sauf dans l’hypothèse très marginale de la faute d’un apprenti en contrat d’apprentissage.

L’originalité de ce mode de rupture réside dans le fait que bien que le Conseil de Prud’hommes ait été saisi afin de prononcer la rupture du contrat de travail, le salarié continue à la fois de travailler pour son employeur et de percevoir le salaire correspondant à l’emploi occupé.

Si le Conseil des Prud’hommes refuse de prononcer la résiliation du contrat de travail, le contrat n’est pas rompu, aucune indemnité n’est due au salarié et la relation de travail se poursuit sans que le salarié puisse être licencié sur ce seul motif ou qu’il puisse être considéré comme démissionnaire.

À l’inverse, si les juges prononcent la résiliation aux torts de l’employeur, celle-ci produit les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse prenant effet à la date du jugement dès lors que le salarié est toujours au service de son employeur à cette date.

Les juges du fond sont ainsi investis du pouvoir souverain d’apprécier si les fautes alléguées par le salarié justifient qu’une telle résiliation soit prononcée aux torts de l’employeur.

Il faut en effet établir l’existence d’un ou plusieurs manquements suffisamment graves qui rendent impossible la poursuite du contrat de travail de façon consensuelle entre l’employeur et son salarié.

C’est à ce stade qu’interviennent les ajustements issus des arrêts de 2014 et 2015 rapportés ici.

Manquements traditionnellement retenus par la jurisprudence

Jusqu’à présent, le Conseil de Prud’hommes et la jurisprudence accueillaient avec une relative bienveillance les manquements allégués par les avocats de salariés sollicitant la résiliation du contrat de travail de leurs clients. C’est ainsi que la résiliation judiciaire avait pu être prononcée lorsqu’un manquement jugé suffisamment grave avait pu être constaté, notamment :

Durcissement issu des arrêts de 2014 et 2015

La Cour de cassation a été amenée à durcir sa jurisprudence relative à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail en réservant dorénavant cette action à des cas exceptionnels affectant tout particulièrement la poursuite du contrat de travail.

Une condition d’impossibilité de poursuite du contrat de travail semble dorénavant exigée.

La Cour de Cassation a tout d’abord rappelé par un arrêt du 29 janvier 2014 que les manquements graves dont l’employeur était accusé pouvaient être régularisés jusqu’au jour de l’audience de jugement, rendant ainsi caduque la demande du salarié.

Puis par un arrêt du 26 mars 2014, la Cour de Cassation a montré qu’elle accordait une importance toute particulière à la durée du temps écoulé entre la commission de la faute alléguée par le salarié et la saisine du Conseil de Prud’hommes en résiliation, en relevant notamment que «l’absence de visite médicale de reprise (faute alléguée par le salarié pour obtenir la résiliation) procédait d’une erreur des services administratifs de l’employeur qui n’avait pas été commise lors des précédents arrêts de travail et qu’elle n’avait pas empêché la poursuite de la relation de travail pendant plusieurs mois, une cour d’appel a pu retenir que ce manquement de l’employeur n’était pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail et débouter, en conséquence, le salarié de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail »

Par deux décisions rendues le 12 juin 2014 publiées au Bulletin de la Cour, la Chambre sociale impose dorénavant à la nécessaire gravité du ou des manquements à l’appui de la demande de résiliation, la condition d’impossibilité de la poursuite du contrat de travail du salarié.

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