Propriété intellectuelle du salarié : rémunération salariales ou droit d’auteur?

Réintégration dans l’assiette des cotisations sociales du travail créatif

(CA Paris, Pôle 6, Ch. 12 « EPIC Le Théâtre National de l’Opéra-Comique de Paris c/ URSSAF d’Île-de-France et AGESSA », 18 janvier 2018)

La Cour d’appel de Paris avait déjà apporté des précisions en matière de création, notamment artistique, des salariés. En l’espèce, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris avait jugé le 25 novembre 2013 que toutes les sommes versées à des metteurs en scène, costumiers, éclairagistes et décorateurs du Théâtre national de l’Opéra-comique devaient être considérées comme des salaires et seraient donc réintégrées dans l’assiette des cotisations sociales.

La Cour d’appel a quant à elle estimé qu’une distinction était à opérer et que tout ne devait pas être considéré comme salaire. En effet, la création du salarié emporte une contrepartie financière qui peut être différemment qualifiée selon son poste et selon son travail.

En l’espèce, les metteurs en scène peuvent prétendre à deux sortes de rémunérations distinctes. La rémunération relative au travail matériel est considérée comme du salaire, soumis à cotisations sociales. A contrario, la rémunération relative au travail créatif est quant à elle considérée comme relevant de la propriété intellectuelle et des droits d’auteur, qui ne rentrent pas dans l’assiette des cotisations sociales.

La Cour d’appel opère donc une distinction entre travail créatif et travail matériel pour qualifier la rémunération.

Les rémunérations des costumiers, éclairagistes et décorateurs ne sont pas concernées par cette distinction. Leur entière rémunération est considérée comme un salaire qui doit être réintégré à l’assiette des cotisations sociales. En effet, les sommes versées ne peuvent pas être considérés comme des droits d’auteur car leur activité ne peut pas être qualifiée de créatrice.

Concernant les metteurs en scène, l’URSSAF contestait la proportion du salaire et des droits d’auteur au sein de leur rémunération. L’URSSAF estimait que le salaire devait avoir une part prépondérante dans la rémunération. Or, les metteurs en scène étaient rémunérés majoritairement par le biais de droits d’auteur. L’URSSAF souhaitait réintégrer les droits d’auteur excédant les 50% du revenu global dans l’assiette des cotisations sociales.

La Cour d’appel de Paris a conclu que la répartition de la rémunération ne résultait d’aucun texte. La part de droits d’auteur au sein de la rémunération du metteur en scène s’évalue selon le cas d’espèce. En effet, la répartition dépend notamment de la personnalité du metteur en scène, du succès attendu de sa création ainsi que du contenu du contrat de cession des droits.

Il a donc été jugé que la part de salaire dans la rémunération n’avait pas été minorée et qu’il n’avait pas lieu de procéder à une réintégration des revenus dans l’assiette des cotisations sociales.

Ainsi, lorsque le travail effectué par le salarié constitue un travail créatif relevant de la propriété intellectuelle et non pas matériel, la contrepartie financière n’est pas un salaire et n’est pas soumise à cotisations sociales. La jurisprudence est claire et délimite strictement le travail matériel et le travail créatif même si la répartition dépend du cas d’espèce. Il n’existe donc pas de clé de répartition. Il convient pour les juges de caractériser la part de travail créatif effectué par le salarié pour établir ce qui doit être intégré, ou pas, dans l’assiette des cotisations sociales.

#Avocat #propriétéintellectuelle #salarié #cotisationsalariales #droitsdauteur

Nadia TIGZIM
Avocat en droit du travail