Le contrat de travail est caractérisé par l’existence d’un lien de subordination entre le salarié et son employeur, ce dernier étant investi d’un pouvoir disciplinaire lui permettant d’infliger une sanction disciplinaire en cas de manquement de son salarié ( pour des exemples ici, là et là).
Ce pouvoir disciplinaire est encadré par de nombreux principes protecteurs du salarié et une procédure très précise, qui n’ont que très rarement été remis en question par la jurisprudence.
Or, dans de récentes décisions, la Cour de cassation s’est montrée de plus en plus souple dans l’application de ces principes et y apporte de légers tempéraments.
Sanction disciplinaire et tempérament du principe « non bis in idem »
C’est ainsi que le principe « non bis in idem » selon lequel est prohibé la double sanction d’un même fait fautif, s’est vu précisé dans un arrêt du 12 février 2013 rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation.
En l’espèce, un salarié avait fait l’objet d’une mesure de mise à pied disciplinaire de trois jours, notifiée par lettre en date du 5 novembre 2007, puis avait été licencié pour faute grave en date du 5 décembre 2007.
L’employeur a alors été condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par la Cour d’Appel, les juges du fond ayant estimé – sans grande surprise – que les faits fautifs avaient déjà été condamnés par la mise à pied notifiée le 5 novembre 2007 et ne pouvait donner lieu à une autre sanction, appliquant ainsi le principe « non bis in idem ».
La Cour de cassation adopte cependant une position contraire et casse cette partie de l’arrêt en expliquant que la faute ayant persistée postérieurement à l’envoi de la notification de la première sanction, l’employeur était en droit de prononcer une nouvelle sanction pour les faits fautifs survenus après ladite notification.
En dépit de la règle « non bis in idem », le salarié peut ainsi faire l’objet d’une nouvelle sanction, généralement aggravée, s’il persiste dans son comportement fautif ou commet une nouvelle faute.
Cette jurisprudence n’a pour l’heure pas été remise en question et cette dynamique a été confirmée par une décision rendue le 27 février 2013 sur l’articulation du délai de notification d’une sanction disciplinaire avec un arrêt maladie.
Délai de notification de la sanction disciplinaire et arrêt maladie
Le pouvoir disciplinaire est encadré par une procédure particulière faite d’un entretien préalable et d’une notification, et est bordée par des délais précis, ainsi, l’article L 1332-2 du Code du travail dispose que « la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien, elle est motivée et notifiée à l’intéressé ».
Bien que le droit du travail se veut plus favorable au salarié, dans l’arrêt du 27 février 2013, la Cour de cassation adopte une position stricte qui bénéficie plutôt à l’employeur.
La Cour de cassation indique dans cet arrêt que même si le salarié fait l’objet d’un arrêt maladie entre l’entretien et la notification de la sanction, le délai d’un mois ne peut pas être prolongé.
Selon cette décision : « le licenciement disciplinaire doit intervenir dans le délai d’un mois à compter de la date de l’entretien préalable et que ce délai n’est ni suspendu, ni interrompu pendant la période de suspension du contrat de travail provoquée par un accident de travail, une maladie professionnelle ou une maladie non professionnelle du salarié ».
La Cour de cassation a donc confirmé que le délai prévu par les dispositions du Code du Travail en matière de sanction disciplinaire doit être appliqué rigoureusement et sans exception.
Ces deux décisions révèlent une tendance à offrir plus de force au pouvoir disciplinaire de l’employeur. Cette rigidité dénote avec la traditionnelle souplesse à l’égard des salariés.
Dans ce même élan et suivant le même raisonnement, la Cour de Cassation précise le régime disciplinaire dans une décision du 20 novembre 2014 et se prononce sur le délai de prescription en matière disciplinaire.
Sanction disciplinaire : délai de prescription et arrêt maladie
Un des autres principes qui encadre le pouvoir de sanction de l’employeur est le bref délai de prescription de deux mois des faits fautifs.
En effet l’article L1332-4 du Code du travail prévoit « qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales »
Dans ledit arrêt, la Cour de cassation se prononce sur l’articulation du délai de prescription en matière disciplinaire avec l’arrêt maladie.
En l’espèce, un salarié placé en arrêt maladie du 4 mars 2007 au 30 avril 2008 avait été convoqué le 5 mai 2008, puis licencié le 19 mai 2008 pour des faits fautifs portés à la connaissance de l’employeur en date du 29 février 2008 (soit un peu plus de deux mois avant le licenciement).
Le Conseil des Prud’hommes est saisi par le salarié dont l’avocat plaide la prescription des faits fautifs, la Cour d’appel y répond favorablement en estimant que l’arrêt maladie n’a aucun effet ni suspensif ni interruptif du délai de prescription.
La Cour de Cassation confirme cette décision et affirme que l’arrêt maladie qui intervient entre la connaissance des faits fautifs par l’employeur et la sanction ne suspend pas le délai de prescription de deux mois.
Nadia TIGZIM
Avocat en droit du travail